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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/114

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réussi. On m’a arrêté au moment où je revenais d’un voyage de quelques jours, entrepris pour dépister mes créanciers.

— Mais tes dettes… sont considérables, — dit Balthazar, — qui les a payées ?

— Elles ne sont pas payées…

— Mais alors qui t’a fait sortir de prison ?

— Mes créanciers.

— Tes créanciers !

— Ils m’ont même facilité les moyens de contracter un nouvel emprunt chez ce marchand de jouets d’enfants à qui j’ai écrit ce matin.

— Cela tient du prodige.

— Pourtant rien de plus simple : j’ai convaincu mes créanciers qu’ils n’avaient rien à attendre de moi en me retenant prisonnier, tandis qu’en me remettant en liberté, et même en me procurant quelques fonds indispensables, ils rendraient possible un riche mariage que j’avais en vue…

— Je comprends.

— Ils ont, du reste, pris leurs sûretés… J’ai renouvelé avant de sortir de prison toutes mes lettres de change à trois mois… Je suis surveillé. Si le mariage a lieu… ils seront payés ; s’il n’a lieu… Mais à quoi bon cette hypothèse ? Si le mariage m’échappe… ma résolution est bien prise…

— Maintenant que je sais tout ce que tu risques, tout ce que tu as souffert, — s’écria le poëte, — je te dis, moi, que, si, comme je l’espère, tu épouses cette noble fille… il est impossible que tu ne l’adores pas de nouveau, fût-ce au moins par reconnaissance.

— Je le crois comme toi. Elle m’aura sorti d’une position si désespérée… Mais à cette heure… je suis trop bourrelé d’incertitudes, de craintes, pour songer à l’amour…

— J’aime cette franchise… et je te crois ; cela redouble mon zèle… Tout ceci posé, la première chose à faire pour toi, c’est de revoir Regina… Qu’elle ait accueilli les prétentions du comte Duriveau, c’est impossible… Qu’elle accueille celles du prince de Montbar, c’est peu probable… Elle t’a fait un serment… tu ne l’en as pas déliée, et avec son caractère, elle ne peut pas se parjurer…