Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/115

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— Toute ma crainte est que le bruit de mes prodigalités, de ma ruine, peut-être même de mon emprisonnement, ne soit arrivé jusqu’à elle…

— Si Régina t’aime toujours, qu’importe ?… dit Balthazar à Robert de Mareuil. L’amour est indulgent, et puis c’est pour t’étourdir sur une séparation trop cruelle que tu te seras jeté à corps perdu dans toutes les dissipations. Encore une fois… si elle t’aime toujours… le reste n’est rien.

— Demain, du reste, je saurai si elle m’aime.

— Demain ?

— Ne va-t-elle pas au Musée avec son père et le comte Duriveau ? Que je rencontre seulement le regard de Régina, je saurai mon sort… Fière et franche comme elle est… il lui sera impossible de dissimuler… Je la connais, l’impression de sa physionomie me dira tout.

— Tu as raison ; avant de rien combiner, il nous faut attendre le résultat de la rencontre de demain.

— Et si mes espérances sont trompées ! — s’écria Robert de Mareuil. — Et encore… non… non… — reprit-il, et je l’entendis repousser sa chaise avec violence, se lever et marcher avec agitation. — Non, à cette seule pensée, j’ai l’enfer dans le cœur.

— Voyons, Robert, calme-toi, — dit Balthazar avec émotion ; — vrai, tu m’effrayes… tu es pâle, tes yeux sont injectés de sang… Viens à la fenêtre respirer un peu l’air… cette chambre est petite… on étouffe. Voyons, calme-toi, remets-toi… Ce soir, tu es nerveux en diable.

J’entendis la fenêtre s’ouvrir, et Robert, presque au même instant, dire à Balthazar, en s’approchant de la croisée :

—Tu as raison… j’ai la tête en feu ; l’air me fera du bien… me calmera… Et alors je te dirai avec calme, mais avec résolution, que si Régina trompait mon espérance… je suis décidé à…

La voix de Robert de Mareuil s’affaiblissant de plus en plus à mesure qu’il se rapprochait de la fenêtre, il me fut impossible d’entendre la fin de sa phrase…

Seulement quelques instants après, la voix de Balthazar qui venait sans doute de se retirer brusquement de la fenêtre, arriva soudain