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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/17

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bientôt une assez vaste chambre où nous arrivâmes après avoir traversé un étroit corridor. La chambre en question était tellement encombrée d’objets de toute sorte, qu’il restait à peine la place du lit et de quelques meubles. Plus de la moitié de la fenêtre, dont les rideaux jaunâtres se croisaient scrupuleusement, était envahie dans sa hauteur par une multitude de paquets.

— Voilà un lit… dors… demain matin nous causerons, et, si c’est nécessaire, nous aurons un médecin, — me dit le cul-de-jatte, — tu verras que je ne suis pas si diable que j’en ai l’air.

Tirant alors un des matelas du lit, il l’étala sur le carreau, prit pour oreiller un des nombreux paquets dont la chambre était encombrée, souffla la chandelle et se coucha.

Brisé moralement et physiquement, presque incapable de réfléchir, je ressentis un moment de bien-être inexprimable en me jetant sur ce lit, où je ne tardai pas à m’endormir, car j’avais passé la nuit précédente au milieu des champs et dans une pénible insomnie.

Lorsque je m’éveillai, il faisait jour, mais l’épaisseur des rideaux fermés laissait régner dans la chambre une demi-obscurité. J’entendis le ronflement d’un poêle dont le brasier se reflétait sur le carrelage rougeâtre ; je vis près de moi, sur une chaise, un morceau de pain et une tasse de lait. Surpris de ces prévenances de mon hôte, je regardai de côté et d’autre ; j’étais seul…

Plus effrayé de cette solitude que de la présence du cul-de-jatte, je voulus m’habiller, et je cherchai mes misérables vêtements, mis presque en lambeaux lors de la rixe de la veille ; ils avaient disparu ; mais à leur place, je vis sur le pied du lit, un gilet, une redingote de drap, tout neufs, et une paire d’excellentes chaussures… Cet échange, quoique tout à mon avantage, me désespéra, car dans la poche de ma veste, j’avais jusqu’alors soigneusement conservé le portefeuille enlevé à la tombe de la mère de Régina… mais bientôt, à ma grande joie, j’aperçus ce portefeuille ouvert, il est vrai, sur une table voisine de mon lit.. je le saisis avec autant d’empressement que d’inquiétude… Heureusement je retrouvai tout ce qu’il contenait ; je savais le nombre des lettres. Elles y étaient toutes, ainsi que la croix et le feuillet de