Aller au contenu

Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gina… écoutez-le aussi, je vous en conjure… au nom de notre amour.

Régina ne répondit rien ; ses yeux restèrent obstinément arrêtés sur Robert, qui ne put soutenir ce regard d’une fixité menaçante ; la physionomie de la jeune fille n’exprimait plus alors ni douleur, ni épouvante, mais une indignation mêlée de mépris, dont une sombre curiosité semblait seule arrêter le terrible éclat.

— En deux mots, j’ai fini, — reprit Bamboche. — M. le comte était en prison pour dettes… il a dit à la Levrasse, ce digne usurier que vous voyez là : « Je peux faire un riche mariage, qui me mettra à même de vous payer… Rendez-moi la liberté provisoirement ; si je n’accroche pas la dot, vous me ferez retourner en prison… » — Ça me va ; mais, pour vous éperonner davantage, — répondit l’autre, — faites-moi de fausses lettres de change, en contrefaisant ma signature ; une fois richement marié, je vous rends vos faux billets contre les espèces que vous me devez… mais si vous ne savez pas empaumer l’héritière, ma foi ! vous irez aux galères… Talonné par cette peur-là, il faudra bien que vous enleviez le mariage… — Le mariage a été en effet enlevé…

— Continuez, Monsieur… — dit Régina avec un calme impassible.

— Régina… si vous saviez… — s’écria Robert, — je…

La jeune fille interrompit le comte d’un regard de mépris écrasant, et dit à Bamboche :

— Poursuivez, Monsieur… La leçon pour moi… est terrible… je la subirai jusqu’au bout.

— Ayez ce courage, Mademoiselle, vous vous en trouverez bien… L’affaire du faux curé fut arrangée entre M. le comte et mes deux complices, vu l’impossibilité de trouver un véritable prêtre ; cependant, comme il fallait, pour que M. le comte fût maître de votre fortune, que non-seulement vous vous crussiez mariée, Mademoiselle, mais que votre mariage fût parfaitement en règle… M. de Mareuil, lors de votre majorité, vous eût fait contracter une autre union à l’État civil… Celle-ci, réelle, valable, aurait eu pour prétexte de régulariser votre premier mariage devant le prêtre, mariage qui, léga-