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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/233

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heurtaient à tâtons, éperdus d’effroi, la Levrasse, le cul-de-jatte et Robert de Mareuil.

Afin de savoir où se trouvait Bamboche et de me rapprocher de lui, je poussai un cri qui, dans notre enfance, nous avait souvent servi de signal. Remarquant alors que je passais devant une porte ouverte (je m’en aperçus au courant d’air frais qui aussitôt frappa mon visage), je restai un moment immobile, et j’entendis, dans la direction d’un corridor qui aboutissait à cette porte, la voix de Bamboche qui répondait à mon appel ; guidé par sa voix, et suivant ce corridor, j’arrivai dans le jardin de la maison.

La nuit était si noire, qu’on ne voyait pas à deux pas.

— C’est toi ? — me dit vivement Bamboche.

— Oui.

— Où est le fiacre ?

— Dans la ruelle… il attend… près de la petite porte.

— Mademoiselle, — dit Bamboche à Régina, — rien n’est perdu, suivez le guide que je vous donne, il vous reconduira chez vous… Vite, vite, vous n’avez pas un moment à perdre, j’avais tout prévu… sauf une descente de police… Allons, Basquine, filons de notre côté, j’aperçois là-bas de la lumière.

J’entendis Bamboche et Basquine s’éloigner en courant, pendant que Régina, se cramponnant à mon bras, me disait d’une voix étouffée, palpitante de terreur :

— Oh ! sauvez-moi, Monsieur, sauvez-moi de la honte…

— Suivez-moi, Mademoiselle, — lui dis-je.

Et je l’entraînai, mon bras forcément passé autour de sa taille, car je la sentais prête à s’évanouir ; il fallut qu’elle se mît à courir avec moi, l’allée que nous suivions nous conduisit à une petite porte, un fiacre y attendait, le cocher sur le siège, le fouet en main, la portière ouverte… j’avais choisi l’excellent homme qui m’avait recueilli mourant de faim.

Je portai, pour ainsi dire, Régina dans la voiture, et m’adressant au cocher :

— Ventre à terre… rue du Faubourg-du-Roule… je vous dirai