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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/238

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mencé mon protecteur inconnu Just, le bien nommé, à qui je puis maintenant remettre la pension qu’il me faisait si généreusement ; un autre aussi malheureux que je l’étais, en profitera à ma place.

« Je termine par ce rébus à la hauteur de ta naïve et respectable intelligence :

« Une bonne action à toujours sa récompense.
« Ton ex-maître et toujours affectionné,
« Balthazar. »

L’éclatant triomphe de Basquine fut un nouvel aliment pour la folle passion de Robert de Mareuil ; cette passion servait trop nos projets et l’inexorable haine que Basquine avait vouée à la race des Scipions, ainsi qu’elle disait, pour que notre compagne ne parût pas encourager l’amour insensé qu’elle inspirait. Elle berça le comte des plus ardentes espérances, et tous deux échangèrent une correspondance passionnée, qui, révélée à M. de Noirlieu, devait être une arme terrible contre Robert.

Cet homme se vengea d’ailleurs cruellement de moi, car non-seulement je faillis succomber à la blessure que j’avais reçue, la balle m’ayant traversé les muscles du cou, mais je faillis être aveuglé par l’explosion de ce coup tiré à brûle-pourpoint ; pendant près d’une année je fus complétement privé de la vue.

Ensuite de cette lutte avec Robert, les agents de police, venus pour arrêter Bamboche qui leur échappa, me ramassèrent baigné dans mon sang à quelques pas du comte de Mareuil, qui s’était fait sauter la cervelle, et je fus transporté à l’Hôtel-Dieu
 
 

Lorsque je revins à moi, couché dans un lit de cet hôpital, j’avais les yeux couverts d’un bandeau. À un mouvement que je fis pour ôter ce linge, un infirmier, qui me veillait sans doute, me dit :

— Ne cherchez pas à ôter ce bandeau, mon garçon, vous n’y verriez pas plus clair.