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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/260

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d’un morceau de pain. Le docteur ne buvait jamais de vin ; son dîner, d’une sobriété extrême, se bornait à un potage et à quelques légumes cuits dans le bouillon. Il n’entendait pas, d’ailleurs, soumettre ceux qui l’entouraient à ce régime frugal, qu’il suivait depuis plus de vingt ans, autant par goût que par hygiène.

Suzon me mit entre les mains un plateau où était servi le frugal déjeuner, et marcha devant moi. Songeant alors involontairement à l’espèce d’itinéraire tracé sur le plan trouvé dans mon bureau, je m’aperçus que je suivais exactement cette indication, et que, si elle était exacte, je devais, après avoir monté l’escalier, bientôt arriver à la pièce signalée dans le plan par une tête de mort grossièrement dessinée. Je ne me trompais pas : Suzon s’arrêta devant une porte, qu’elle me montra en me disant :

— C’est là… entrez.

Le docteur était occupé à écrire, il me fit signe de la main de déposer le plateau sur une petite table voisine de son bureau de travail ; comme il ne me dit pas de sortir, je crus devoir rester pour le servir. En attendant ses ordres, j’examinai curieusement l’endroit où je me trouvais. C’était une vaste pièce carrée très-élevée, sans fenêtre ; mais une partie du plafond, arrondi en dôme, étant vitré, cette salle recevait seulement du jour d’en haut ; de grandes armoires vitrées garnissaient un des côtés de ce cabinet, et renfermaient une magnifique collection anatomique. En face je vis une bibliothèque, simplement construite en bois de sapin jauni par le temps, et dont les rayons regorgeaient de livres de toute grandeur ; les innombrables signets de papier blanc qui dépassaient la tranche de ces volumes maculés, brisés, usés par un fréquent usage, disaient assez les longues et continuelles études du docteur Clément. Cette bibliothèque, sans doute insuffisante, refluait en piles ; de gros in-folio étaient çà et là rangés sur le plancher. Une autre partie du cabinet était consacrée à des collections géologiques et minéralogiques, ainsi qu’à des herbiers, classés avec le plus grand soin. Dans un coin je remarquai encore un fourneau de chimiste avec ses accessoires obligés d’alambics, de cornues et de fioles rangées sur des tablettes. Enfin, faisant face à la table immense surchargée de livres, d’instruments