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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/261

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de toutes sortes, de papiers, de cartons au milieu desquels le docteur Clément, toujours occupé d’écrire, était comme enfoui, deux portraits attirèrent mon attention. Le premier représentait le buste d’une jeune femme d’une admirable beauté ; elle était coiffée en cheveux, une gaze blanche cachait à demi ses épaules et son sein. Le second portrait était celui d’un très-jeune homme d’une mâle et belle figure, au regard doux et fier ; il portait l’uniforme de l’École Polytechnique, et ses traits offraient une certaine ressemblance avec le portrait de la jeune femme qui avait d’abord attiré mon attention.

Sans doute le docteur Clément m’observait en silence depuis quelques moments, car il me dit avec une expression d’orgueilleuse satisfaction :

— C’est, n’est-ce pas, une charmante figure que celle de ce jeune homme ?

— Oh ! oui, Monsieur, — lui dis-je, en me retournant vers lui.

— C’est mon fils, — me dit mon maître, dont la physionomie austère rayonna soudain de ce qu’il y a de plus pur, de plus divin, dans l’amour paternel. — C’est mon bien-aimé Just, et quoiqu’il ait à cette heure quelques années de plus qu’à l’époque où fut peint ce portrait, quoique le soleil d’Afrique ait bruni son teint et qu’une glorieuse cicatrice ait sillonné son front… tu le reconnaîtras tout de suite à cet air de douceur, de franchise et d’énergie qu’il a toujours conservé.

— Il est encore militaire, Monsieur ?

— Capitaine du génie, s’il vous plaît, et des plus distingués de son arme. Mais c’est là le moindre de ses titres… Il a, faute d’une voix, failli entrer à l’Académie des sciences ; mais à la prochaine élection sa nomination est assurée, sans compter qu’on lui a fait de magnifiques propositions pour aller fonder à l’étranger des établissements métallurgiques ; on lui offrait soixante mille francs par an, et plus tard une large part dans les bénéfices. Voilà ce que c’est que le savoir ! voilà la vraie richesse ! mais ne va pas croire, Martin, — ajouta mon maître en s’animant, — que mon fils ne soit qu’un sa-