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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/268

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four, — avant de poursuivre cet entretien, je dois vous prévenir qu’après moi je laisse à mon fils, pour tout héritage, mille écus de rente

— Mille écus de rente ! — s’écria M. Dufour.

— Mais s’il se marie, — reprit le docteur, — je lui donnerai en dot ces mille écus de rentes… c’est tout ce qu’il aura à attendre de moi, soit de mon vivant, soit après ma mort.

— C’est une plaisanterie, Monsieur le docteur ; vous gagnez au su de tout le monde plus de cent mille francs par an depuis vingt ans, et vous vivez… on me l’avait bien dit… vous vivez avec la plus… avec la plus… honorable… économie… il est donc impossible que…

— Je gagne, en effet, au moins cent mille francs par année, Monsieur ; l’année dernière a même été de cent vingt nulle francs et plus.

— J’avais donc raison, Monsieur le docteur, de croire que vous plaisantiez.

— Monsieur, — reprit mon maître, — si, avant de venir ici, vous aviez consulté mon fils à propos de votre démarche, basée surtout sur des convenances de fortune, il vous eût, je n’en doute pas, rapporté ce que je lui ai dit lorsqu’il a eu l’âge de raison.

— Et que lui avez-vous dit, Monsieur le docteur ?

— Le voici, Monsieur. « — Mon cher enfant, — ai-je dit à mon fils, — je te donne une excellente éducation pratique, elle t’ouvre plusieurs carrières honorables ; en travaillant tu pourras donc gagner largement ta vie ; mais comme la société est constituée de telle sorte, qu’il n’existe ni solidarité ni fraternité entre les hommes, et que, si laborieux, si honnête que tu sois, mon pauvre enfant, tu n’aurais à attendre aucun secours de cette société marâtre, dans le cas où la maladie, où des événements imprévus, te frappant dans ton travail, t’auraient réduit à la misère, je t’assurerai mille écus de rentes ; tu seras ainsi, quoi qu’il arrive, au-dessus du besoin. Si cette aisance ne te suffit pas, s’il te faut du superflu, du luxe… tu le gagneras par ton travail, par ton intelligence… à chacun selon ses œuvres… Quant à moi, mon cher enfant, j’aurai payé ma dette paternelle en te donnant — l’éducation qui fait