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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/275

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— Malgré ma prière ?

— Oui.

— Malgré notre amitié ?

— Oui.

— Malgré… moi… frère, — lui dis-je d’une voix étouffée en lui prenant la main ; et je fondis en larmes.

Bamboche tressaillit, hésita un instant et reprit :

— Eh bien oui… malgré toi.

— Frappe-moi donc, alors !

— Et toi, — reprit-il d’un air de défi, — crie donc au voleur !

Soudain par la fenêtre ouverte j’entendis à quelque distance, dans la rue, le bruit pesant, régulier, de la marche d’une ronde de nuit qui s’approchait.

— Une patrouille… — m’écriai-je, — elle vient !

— Te voilà en force… — me dit Bamboche avec un sourire affreux en me voyant courir à la fenêtre.

Je la fermai précipitamment.

Quelques secondes après, nous vîmes luire, dans l’obscurité de la rue, les fusils des soldats ; ils passèrent lentement. Bientôt le bruit de leurs pas se perdit dans le lointain au milieu des sifflements de la tourmente.

— Martin… — s’écria Bamboche, quand je revins à lui, — j’ai douté de toi… pardon… merci pour ma petite fille…

— Attends… — lui dis-je avec amertume, — attends, pour te sauver… que la patrouille soit loin… tout dort encore dans la maison… tu pourras fuir avec ce que tu as volé… il ne restera aucun indice contre toi… n’aie pas peur…

— Comme tu me dis cela… Martin…

— Quant à moi, — repris-je, — ce sera différent… Mon maître sait que je connais l’endroit où il renferme son argent… je suis nouveau-venu ici… on n’accusera que moi… je ne te dénoncerai pas, tu le sais… car je tiens les serments faits à l’amitié… moi.

— Martin…

— Je passerai pour le voleur… je te devais une dette de reconnaissance, je te paye… va-t’en.