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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/288

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Mais au moment où il entra et où le vieillard, saisi de joie, s’écriait : — Mon fils ! — Suzon instruite alors du retour subit du capitaine et craignant que sa présence ne causât une dangereuse émotion au vieillard, accourait, pâle, haletante, effrayée… afin de le préparer au moins à cette entrevue.

Il était trop tard.

L’apparition de la vieille servante, son air alarmé, la douloureuse altération des traits du docteur éclairèrent soudain le capitaine, et il se jeta dans les bras de son père avec une angoisse profonde.

Après un silence de quelques instants, durant lequel le père et le fils étaient demeurés étroitement embrassés, tandis que Suzon et moi nous contenions à peine nos larmes, le docteur dit d’une voix faible mais tranquille :

— Allons… du calme… mon Just bien aimé, que cette heure ne nous soit pas… amère… Pourquoi de la tristesse dans les adieux de deux amis comme nous ? S’ils se quittent un moment, n’est-ce pas pour se retrouver plus tard ?…

En prononçant ces simples paroles, l’auguste sérénité des traits du vieillard révélait sa foi profonde à la réunion et à l’immortalité des âmes.

Just, quoiqu’il partageât la foi de son père, ne pouvait imiter son stoïcisme ; debout, au chevet du docteur, les deux mains sur son visage, il tâchait de cacher ses larmes.

— Mon enfant… — dit le vieillard d’un ton de doux reproche en se retournant à demi et cherchant de sa main défaillante la main de son fils, — pourquoi ces pleurs ? Ne sais-tu pas… qu’il s’agit non d’une séparation éternelle, mais d’une absence ?

— Ô mon père… mon père… déjà !! — s’écria Just d’une voix pleine de sanglots.

Et il tomba agenouillé près du lit du vieillard.

— Mon enfant aimé… encore une fois, pourquoi cette douleur ? Qu’y a-t-il donc de si attristant dans ces mots : au revoir ? Nos âmes ne sont-elles pas pures, tranquilles et toutes confiantes dans la justice du Dieu des honnêtes gens ?

Après la première expansion de sa douleur, le capitaine Just re-