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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/310

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d’ailleurs s’y prêta avec la meilleure volonté du monde, car elle me parut singulièrement parlante.

— Je suis chargé, Mademoiselle, — lui dis-je, — de vous prier de venir prendre le thé chez mademoiselle Juliette.

— Avec grand plaisir, Monsieur, — me répondit Mlle Isabeau d’un air surpris. — Donnez-vous la peine de vous asseoir… Mais je n’ai pas l’avantage de…

— Je suis nouvellement entré, comme valet de chambre, chez Madame la princesse de Montbar, et j’apportais une lettre de ma maîtresse pour Madame Wilson.

— Ah ! très-bien, Monsieur… c’est différent… Madame est sortie, elle ne doit pas rentrer avant quatre ou cinq heures… Vous remercierez bien, n’est-ce pas ? Juliette pour moi. Comme Madame va au spectacle et au bal ce soir, je crois même avec la princesse… j’aurai, je l’espère, ma soirée libre… C’est bien aimable à Juliette d’avoir pensé à moi… une nouvelle amie.

— Ah ! il n’y a pas longtemps que vous connaissez Mademoiselle Juliette ?

— Mon Dieu, non ; notre amitié date de l’amitié de nos deux maîtresses… Madame m’a envoyée plusieurs fois chez la princesse, c’est comme cela que j’ai fait connaissance avec Juliette.

— Je croyais Madame Wilson l’amie intime de ma maîtresse ?

— Certainement, mais on peut être intime sans se connaître pour cela depuis longtemps… Aussi… tenez, entre nous, ce n’est pas pour vanter ma maîtresse… mais sans elle… la princesse…

— La princesse ?…

— Ma foi, écoutez donc, du train où elle allait, elle serait peut-être à cette heure morte de chagrin.

— Vraiment ! — m’écriai-je ; puis j’ajoutai : — Vous concevez, Mademoiselle, mon étonnement… étant tout nouveau dans la maison… et n’ayant pas remarqué que Madame… fût triste…

— À cette heure, elle n’est plus triste, certainement ; mais il y a deux mois c’était à fendre le cœur, heureusement la princesse a fait connaissance avec Madame, et alors tout a changé.

— Votre maîtresse fait des miracles, il me semble…