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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/329

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tempes battaient à se rompre… mes mains frémissantes brûlaient d’un tel feu, que ma maîtresse aurait dû sentir leur ardeur à travers la soie et le satin qui la chaussaient.

Heureusement elle ne s’aperçut de rien… et tandis que, éperdu, j’étais agenouillé à ses pieds, elle causait à voix basse avec Madame Wilson ; quelques petits rires contenus interrompaient seuls le léger bruissement de leur causerie.

Ma tâche accomplie, je me relevai presque étourdi, sentant mes genoux vaciller ; la princesse, sans me regarder, me dit en se dirigeant vers le vestibule servant de première antichambre :

— Martin… vous m’attendrez…

— Oui, Madame la princesse… — répondis-je en balbutiant.

Les valets de pied de la maison se levèrent respectueusement sur le passage de la princesse ; deux d’entre eux allèrent ouvrir à deux battants la porte du perron.

À travers les vitres et à la clarté des grandes lanternes de cuivre de la voiture, je vis les deux jeunes femmes monter dans une élégante berline, que deux magnifiques chevaux gris, aux brillants harnais, entraînèrent rapidement.

Frémissant encore de l’âcre et terrible volupté que je venais de goûter, je regardais cette voiture s’éloigner, plongé dans une sorte d’extase, lorsque je fus rappelé à la réalité de ma condition par la grosse voix de l’un des valets de pied de l’hôtel, qui, refermant bruyamment la porte du vestibule, après le départ de notre maîtresse, s’écria brutalement :

— Emballée !!
 
 
 

En proie à un trouble indicible, à des pensées folles, ardentes, douloureuses, j’éprouvais une grande répugnance à me rendre au thé que la femme de chambre de la princesse donnait pour fêter ma bienvenue ; j’aurais préféré rentrer chez moi jusqu’à l’heure de descendre au salon, pour y attendre ma maîtresse ; mais songeant à la recommandation du docteur Clément, au sujet des projets ténébreux du