Aller au contenu

Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

queras de rien ; seulement, pour te mettre en haleine et me donner une garantie, tu iras mettre demain toi-même une montre au Mont-de-Piété ; après demain, tu auras congé, mais ensuite nous commencerons nos opérations…

— Très-bien, — lui dis-je ; — mais j’ai faim et j’ai sommeil.

— Je t’attendais pour souper. Voilà des vivres qui valent mieux que du pain et du lait ; voilà un bon matelas. Je reprends mon lit cette nuit, mon âge me le permet, jeune homme…

— Vous n’avez pas de vin ici ? — lui dis-je, sentant le besoin de m’étourdir.

— À la bonne heure… voilà qui est parler. J’ai là une fiole d’échantillon de Madère… déguste-moi ça, mon fils.

Je mangeai et je bus surtout avidement ; j’étais si peu habitué à boire du vin, que je me couchai, sinon ivre, du moins complétement étourdi, car mes souvenirs, toujours si présents, m’échappent quant à la fin de cette soirée.

Le lendemain, à mon réveil, je trouvai le cul-de-jatte debout et habillé.

— J’ai donné rendez-vous au propriétaire à onze heures, il en est dix, — me dit-il, — habille-toi, et partons.

Je m’habillai, nous partîmes.

Au moment où nous quittâmes la demeure du cul-de-jatte, il me dit :

— Tiens, prends la montre.

Et il me présenta une très-belle montre d’or avec sa chaîne.

— Je la prendrai au moment de la mettre au Mont-de-Piété, ce sera assez tôt, — lui dis-je.

— Comme tu voudras… allons d’abord voir l’appartement et signer le bail… Avoue que je suis un très-bon homme d’affaires ?

— Excellent…

Nous arrivâmes rue du Faubourg-Montmartre, dans une maison de respectable apparence ; nous montâmes voir l’appartement ; il se composait de trois petites pièces donnant sur une cour et fort convenablement meublées.

— Tu seras ici comme un roi, — me dit le cul-de-jatte, — ça