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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/48

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cial, comme un phénomène aussi rare qu’effrayant, et pourtant ce fait est au contraire si fréquent, que les cœurs généreux s’en affligent, s’en indignent, mais ne s’en étonnent plus.

« Pour arriver à la solution de ce sinistre problème, Sire, il faut le poser ainsi :

« Étant donné, un homme jeune, robuste, intelligent et probe, qui a reçu une bonne éducation élémentaire, qui possède un métier manuel, qui est rempli de bon vouloir, de courage, qui ne répugne à aucun labeur, qui se résigne à toute tâche, qui est rompu au travail, aux privations, qui vit et se contente de peu, qui ne demande enfin qu’à gagner honorablement du pain et un abri.

« Cet homme, avec cette vaillante résolution, avec cette abnégation, complète, avec ces capacités de travail, pourra-t-il trouver à gagner honorablement ce pain, cet asile ?

« En un mot son droit au travail, c’est-à-dire son droit de vivre moyennant labeur et probité, lui sera-t-il reconnu et rendu praticable par la société ?

« L’épisode de ma vie que vous venez de lire a résolu la question, Sire.

« Je sais que des gens sérieux, des économistes probablement, répondront :

« — Les bons sujets sont trop rares pour qu’un homme doué de bon vouloir, d’intelligence et de capacité ne trouve pas immanquablement à s’occuper ou à se placer… tôt ou tard. »

« Oui… tôt ou tard… Là est toute la question, Sire.

« Tôt ou tard ?…

« Être absolument sans ressources, et trouver une occupation assurée au bout de deux ou trois jours. Cela est tôt… si tôt, qu’il faut un hasard presque miraculeux pour arriver à un tel résultat… J’en appellerai à ceux qui, comme moi, ont eu l’expérience de cette position désespérée.

« Eh bien ! Sire, pour un homme qui manque de tout et qui ne veut ni mendier ni voler… trouver au bout de deux jours une occupation quelle qu’elle soit… au bout de deux jours, entendez-vous,