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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/49

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Sire… c’est déjà bien tard… parce que peu de créatures humaines peuvent endurer la faim… plus de deux jours…

« Trouver de l’ouvrage au bout de trois jours, Sire… c’est trop tard… on est alors en train d’expirer…

« — Deux ou trois jours ? c’est pourtant si peu de temps… c’est si vite passé ! — diront les heureux du monde…

« Ou bien encore…

« — On trouve des gens morts ou mourant de faim… c’est vrai… mais c’est rare…

« Il est déjà monstrueux qu’au milieu d’une société dont tant de membres regorgent de superflu, une créature de Dieu puisse mourir faute du nécessaire… mais encore, ces morts-là sont rares. Pourquoi ?

« Parce que le plus grand nombre de ceux qui, comme moi, ont connu cette horrible position d’offrir en vain ses bras, son intelligence, son zèle en échange d’un travail quelconque, n’hésitent pas entre cette alternative :

« Mourir de faim, honnête et pur.

« Ou :

« Vivre au prix de la honte, du vice ou du crime.

« Et voilà pourquoi les prisons, les bagnes sont peuplés, et voilà pourquoi les morts de faim sont encore assez rares, Sire.

« À cela que faire ? l’aumône ? Non, l’aumône est impuissante, elle dégrade…

« Il faut reconnaître, pratiquer ce principe sacré :

« la société doit assurer à tous ses membres : — l’éducation physique et morale, — les moyens et les instruments de travail, — un salaire suffisant.

 
 
 

« Ce n’est pas pour attirer rétrospectivement sur moi votre intérêt ou votre pitié, Sire, que j’appelle votre attention sur les pages précédentes ; c’est pour vous faire prendre en commisération le nombre