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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/57

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La boîte ouverte… il ne vit rien.

Toujours calme et superbe, il ne sourcilla pas.

— Dis donc, Balthazar ! — dit Robert, qui me parut au courant des imaginations de son ami… — et notre bain d’or ?

— Attends à demain, — répondit majestueusement Balthazar, — et au lieu de le prendre dans une ignoble et étroite baignoire, nous le prendrons dans un fleuve… notre bain d’or ! Oui, nous nagerons en plein Pactole, nous y ferons la planche, nous y barboterons, nous y plongerons, nous en aurons par-dessus les oreilles. Et, en attendant ce fortuné moment… tu ne me quittes pas… Il y a une chambre voisine de celle-ci… tu la prendras.

— Je l’entends bien ainsi, — dit Robert. — Est-ce que tu crois que je pensais à loger ailleurs ?… Ah çà ! il faut que je fasse part de mon arrivée à mon cousin… c’est très-urgent.

— De quel cousin parles-tu ? — lui dit Balthazar, — Je suis jaloux de ce cousin-là. Comment se nomme-t-il ?

— Et pardieu… le baron de Noirlieu…

— Ah ! très-bien… ce farouche original. Le père de cette fille charmante… que tu…

Un signe de Robert interrompit Balthazar.

Les deux amis se regardèrent… mon trouble leur échappa.

Le baron de Noirlieu… c’était le père de Régina.

— Je te comprends, Robert, — dit Balthazar à son ami… — En de telles affaires, d’abord la discrétion, et puis encore la discrétion. Mais, sois tranquille… Martin que voilà et que je te recommande, est la simplicité, la probité en personne ; il a le bonheur d’être bête comme une oie… agile comme un daim… ponctuel comme une montre, ce qui fait de lui un messager sans égal… Je te demande donc ta protection pour Martin.

Robert jeta un instant les yeux sur moi avec une distraction dédaigneuse ; je baissai les yeux, tremblant qu’il ne me reconnût ; mais cette crainte fut vaine, et Robert dit à son ami :

— Qu’est-ce que c’est que ce garçon ?

— C’est mon garçon de recettes… — répondit Balthazar en se drapant dignement dans sa vieille robe de chambre, — un trésor de