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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/59

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— Du chagrin dont Georges Dandin se plaignait à son beau-père et à sa belle-mère, — dit Robert de Mareuil, en regardant son ami d’un air d’intelligence.

Évidemment, tous deux croyaient ces paroles incompréhensibles pour moi.

— Tiens… tiens… tiens… ce pauvre baron, — dit Balthazar avec un accent de pitié comique ; — il est fou de cela… ça lui aura porté à la tête… — Puis, se reprenant : — Pardonne à ton ami, ô Robert, cette plaisanterie de notaire ou de dentiste en bonne fortune… Mais, sérieusement, cette folie, si elle est réelle… doit te contrarier.

— Pourquoi cela ? — dit vivement Robert de Mareuil en relevant la tête.

— Mais… à cause… de… ce que tu sais bien…

— Au contraire, — dit Robert en regardant fixement le poëte.

— Comment, au contraire ?

— Certainement…

— Mais je te parle… de dona Elvire… ou, si tu l’aimes mieux, de dona Anna, don Juan ! — dit Balthazar.

— Précisément… — répondit Robert de Mareuil ; — une fois sur son piédestal, le Commandeur ne gêne personne.

— Ah ! bien !… très-bien !… alors je te comprends, — dit Balthazar Roger. — Mais il sera facile de t’assurer si le baron est quasi-fou…

— Pas si facile… il y a là un vieux mulâtre… un certain Melchior… domestique de confiance… qui ne laisse pas facilement approcher du baron.

— On amadoue le Cerbère… et d’ailleurs on s’informe… Qui portera cette lettre ?

— Ce garçon… — répondit Robert de Mareuil en me désignant d’un léger mouvement de tête, sans discontinuer d’écrire.

— Une idée ! — s’écria Balthazar Roger.

Et, sans doute, méditant, mûrissant son idée, il se mit à se promener de long en large dans sa chambre, pendant que le comte Robert de Mareuil terminait sa lettre.