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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/69

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— Alors, mon brave Martin, — dit Balthazar, — ouvre tes ailes… et file le long des escaliers.

Je me dirigeai vers la porte ; mais, au moment de partir, je me ravisai, et m’adressant naïvement à Balthazar :

— Monsieur, où faudra-t-il m’adresser pour la truelle d’argent ?

— Hein ? — fit le poëte en ouvrant des yeux énormes.

— Oui, Monsieur, pour la truelle d’argent que je dois acheter ?

— Tu dois acheter une truelle d’argent ? — me répondit le poëte en me regardant.

— Et une augette d’ébène, Monsieur.

— Une augette d’ébène ?…

Et le poëte n’en revenait pas.

— Eh ! sans doute ! — reprit Robert en partant d’un grand éclat de rire, — pour la pose…

— Quelle pose ? — demanda le poëte de plus en plus ébahi en se retournant vers sont ami.

— La pose de la première pierre..

— De la première pierre ?

— De ton palais… tête sans cervelle.

— De mon palais ?

— De ta capitale… dans la capitale… de ton quartier de la Nouvelle-Europe… À quoi diable penses-tu, Balthazar ?

— Eh !… parbleu ! tu ne peux pas me dire cela tout de suite ? — s’écria le poëte. — Vous êtes là tous les deux à égrener les mots un à un comme un chapelet… Certainement il faut que Martin m’achète la truelle et l’augette consacrées !

— Monsieur, où ça se vend-il ?… — demandai-je au poëte — et puis je n’ai pas d’argent…

— Un instant !

S’écria Balthazar, comme sil eût été frappé d’une réflexion subite.

— Quel jour est-ce après demain ?…

— Nous sommes aujourd’hui mardi, — lui dis-je naïvement, — c’est après demain jeudi !

— Jeudi !!! la veille d’un vendredi ! — s’écria le poëte avec une