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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/68

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— Oh ! non, Monsieur… tout de suite comme ça… Mais, demain, par exemple, je ne me rappellerai plus rien.

— Quand je te dis que j’ai découvert dans ce garçon… l’anti-Scapin ! — s’écria Balthazar.

— Si l’on te demande de quelle part vient cette lettre, — ajouta l’ami du poëte, — tu diras que c’est de la part de M. le comte Robert de Mareuil, qui vient d’arriver…

Et Robert de Mareuil hésita un instant et reprit :

— Qui vient d’arriver… de Bretagne.

— De Bretagne, entends-tu bien ? — me dit Balthazar, et il me parut qu’il retenait un violent éclat de rire, — de Bretagne ? — reprit-il.

— Oui, Monsieur.

— Allons, va… dépêche-toi… — me dit Robert.

Puis il ajouta :

— Mais j’oubliais… si l’on refusait absolument de te laisser parler au baron… tu rapporterais la lettre… en disant au domestique que tu reviendras demain matin vers neuf heures.

— Oui, Monsieur…

— Et par la même occasion, — reprit Robert après un moment de silence, — tu remarqueras si, parmi les domestiques qui te recevront, il en est un qui soit mulâtre.

— Mulâtre, Monsieur ? qu’est-ce que c’est ?

— Un homme couleur de pain d’épice ou environ, — dit Balthazar.

— Ah ! bien, Monsieur… je comprends.

— Et si, par hasard, — poursuivit le comte Robert avec un certain embarras, — on t’introduisait auprès du baron… et que tu visses auprès de lui une jeune personne… grande… très-jolie… et qui a trois petits signes noirs sur le visage… tu vois qu’elle sera bien facile à reconnaître ?

— Oui, Monsieur.

— Eh bien ! — reprit le comte, — tu remarqueras si cette jeune fille est bien pâle… si elle a l’air bien triste.

— Ça n’est pas malin, — ajouta le poëte.

— Bien sûr, Monsieur… quelqu’un qui est pâle et qui a l’air triste… ça se voit tout de suite…