Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faute rejaillir encore sur la mémoire de sa mère déjà si outragée… cette hésitation, je peux d’un mot la faire cesser, en envoyant à Just, sans qu’il sache d’où elles viennent, toutes les pièces qui prouvent l’innocence de la mère de Régina.

Quant aux vagues regrets ou remords que pouvait causer à la princesse sa séparation de M. de Montbar, je peux encore la rassurer, et donner demain à Just… les moyens de s’assurer par lui-même, et pour le repos de Régina et pour la tranquillité de sa conscience à lui, que le prince ne mérite ni pitié, ni respect, ni regrets ; car ses goûts de crapule, loin de s’affaiblir, semblent s’accroître.

Voici ce que ce matin, par un hasard étrange, j’ai entendu dire au prince ; il s’adressait à Louis, son vieux serviteur :

— Tu entends bien… un costume de Pierrot en toile à matelas… tout ce qu’il y a de plus laid… tu l’achèteras…

— Mais, prince, vous ne mettrez pas…

— Est-ce que je ne serai pas habillé là-dessous ?

— À la bonne heure, — dit Louis en soupirant ; — et il faudra porter cela ?

— Là-bas… rue du Dauphin, au n° 3.

— Et quand ? et à quelle heure, prince ?

— Demain… que ce soit là-bas avant huit heures du soir. C’est tout ce qu’il faut… Tu diras au portier d’allumer du feu.

— Ainsi… prince… — dit le vieux Louis d’un ton de reproche, — encore ?…

Je n’ai pu malheureusement entendre la fin de l’entretien.

 

Je peux donc demain, dans la nuit, rendre Just témoin de quelque ignoble et nouvelle orgie, en lui donnant les renseignements que je possède.

Régina hésiterait-elle alors à fuir ?

Devoir à Just la réhabilitation de la mémoire de sa mère ! À quelle exaltation la reconnaissance de Régina n’atteindra-t-elle pas alors ? Et une fois certaine de l’indignité de son mari, qui pourrait retenir la princesse ?

 

Oh ! je le sens… la responsabilité que je vais prendre est effrayante…

Tout pour moi doit se résumer par ces mots :

« En mon âme et conscience suis-je certain, autant que la certi-