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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/107

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— Prince… ce n’est pas Louis, — ai-je répondu sans paraître.

— Qui donc est là ? — dit brusquement Monsieur de Montbar que j’entendis se lever et s’approcher de la porte, qu’il ouvrit entièrement.

— Que voulez-vous ? — me dit-il d’un air dur et contrarié.

— Prince, voici un papier de la part de Madame la princesse. Elle m’a ordonné d’attendre…

Et j’ai remis l’enveloppe à mon maître.

— C’est bon… — m’a-t-il dit. — Attendez dans la bibliothèque.

Quelques minutes après, il m’a remis la grosse enveloppe en me disant :

— Reportez cela à Madame de Montbar.

Tout pensif, je suis retourné vers la princesse.

 

Oui, la profonde et douloureuse émotion du prince, en contemplant le portrait de sa femme, renverse toutes mes idées !… il l’aime encore… il l’a toujours passionnément aimée. Mais alors comment expliquer ces retours à des habitudes dépravées, ignobles ? Non, non, cette adoration tardive n’est qu’un caprice, qu’une fantaisie de souvenirs… Un tel homme est à jamais incapable d’assurer le bonheur de Régina… le passé ne le prouve que trop.

 

Ce que je viens d’apprendre dans un moment d’expansion du vieux Louis me rejette dans le doute.

Je n’ai qu’un moyen de m’assurer par moi-même de la vérité : demain je verrai le prince, je lui parlerai, et il faudra bien que je sache le fond de sa pensée.

Ensuite je déciderai entre lui et Just.

4 février, cinq heures du matin.

C’en est fait.

Après sévère et impartial examen de mes impressions pendant cette nuit étrange, je me suis inspiré de la connaissance que j’ai du caracyère de Régina, — de Just — et du prince.

J’ai tout loyalement pesé au tribunal de ma conscience… et j’ai pris une résolution dernière.

Que la destinée de Régina, de Just et du prince s’accomplisse donc aujourd’hui…

Avant ce soir, tout sera décidé entre eux.