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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/130

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— Faut leur enfoncer dans la gueule leurs bâtons de chaise…

— À vous… à vous ! les gendarmes !…

— Qu’est-ce que ça nous f… les gendarmes ! serrez les rangs… — dit l’homme habillé en sauvage, — le temps de casser une pipe, et il n’en restera rien… de ces deux bien-mis

— Soyez prêt, — dis-je tout bas au prince, — le moment est venu ; à la première voie de fait, imitez-moi.

—— Ah ! Monsieur… dévorer tant d’insultes, — murmura M. de Montbar, livide de fureur, mais plein d’énergie et de courage.

À peine lui avais-je recommandé de se tenir prêt à tout, que le Sauvage, gravissant les dernières marches de l’escalier, arriva jusqu’à nous. Je me plaçai devant le prince, et dis au Sauvage, en le regardant sans reculer d’une semelle :

— Voyons… touche-moi !

— Tu vas me manger ?

— Touche donc !

— Tiens !!! — me dit cet homme en levant la main sur moi ; mais avant qu’il m’eût atteint, un rude coup de bâton de chaise que je lui assenai entre les deux yeux, le fit rouler au bas de l’escalier.

Cet acte de vigueur intimida un instant les assaillants.

— Tenons bon ici seulement deux ou trois minutes, — dis-je au prince, — et nous sommes sauvés. Je vois là-bas les gendarmes ; ils s’efforcent de percer la foule pour venir à notre aide.

Je n’avais pas achevé qu’un Turc et un athlétique Débardeur s’élançaient sur l’escalier.

— Tu en veux donc aussi ?… — dis-je au Turc.

— Oui… je veux t’en donner, — et il me frappa…

Je levais mon bâton pour riposter, lorsque le compagnon du Turc se jeta brusquement à genoux, me prit par les jambes, et me fit tomber. Le prince, à son tour, frappa le coup que j’aurais dû porter ; mais ma chute fut le signal d’un assaut général. Au moment où, avec des efforts inouïs, je parvenais à me relever, je vis M. de Montbar renversé, foulé aux pieds, frappé au visage… et le Turc, à genoux sur sa poitrine, lui serrant le cou. Un instant dégagé de mes adversaires, je me jetai sur le Turc ; je le saisis aux cheveux, et, le renversant en arrière, je débarrassai ainsi le prince. Il put se mettre alors sur ses genoux et parer au moins de ses deux bras la grêle de coups qu’on lui portait…

Heureusement alors les trois ou quatre gendarmes, témoins éloi-