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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/141

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CHAPITRE X.

Suite du journal de Martin. — Conseils de M. le Marquis au prince de Montbar. — Il lui remet les preuves de l’innocence de la mère de Régina.

Je le confesse, au mépris que m’avait d’abord inspiré la bassesse des goûts de Monsieur de Montbar, succéda un redoublement de commisération ; je n’excusai pas cette bizarre dépravation ; mais, ainsi qu’il le disait, je la compris, je compris même, si hideuse qu’elle fût, l’espèce de poésie particulière à de pareils contrastes ; je sentis l’attrait que ces alternatives devaient offrir à un homme dès longtemps blasé, quoique jeune, sur les distractions creuses, monotones, d’une opulente oisiveté.

Je me félicita doublement alors d’avoir pu me ménager cet entretien avec le prince ; j’augurai mieux de son avenir, car cette dépravation passée, dont il semblait rougir, n’annonçait pas, ainsi qu’il le disait énergiquement lui-même, le goût de la crapule pour la crapule… Au moins dans ces accès de dégradation, il y avait un profond sentiment de comparaison, sentiment jusqu’alors faussé, vicié, mais qui, cependant, contenait le germe d’une pensée qui, dans son application, pouvait être généreuse et féconde.

— Et n’allez pas me dire, Monsieur, — reprit le prince, après un moment de silence causé par sa profonde émotion, — n’allez pas me dire que cette passion de contrastes dont je vous parle exclut l’a-