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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/148

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assignez-moi un terme… jusque-là, laissez-moi tenter… laissez-moi espérer. »

— Bien ! bien ! — dis-je au prince. — Il est impossible que Madame de Montbar résiste à ce langage si touchant, si résigné.

« — Ne vous engagez à rien envers moi, Régina, — lui dirai-je, poursuivit le prince, — dites-moi seulement : Georges, faites que je vous aime comme autrefois. À force de soins, de dévouements, d’amour… que sais-je… faites-moi oublier une affection que m’a consolée des chagrins que vous m’avez causés, et je l’oublierai… et je vous aimerai comme par le passé. Voilà la grâce suprême que j’implore, Régina. Avec cette promesse de vous… de vous si loyale, si vraie, tout me sera possible… votre cœur me reviendra… Si pourtant mes tentatives sont vaines… si, après cette dernière épreuve, votre amour reste à jamais perdu pour moi… eh bien ! Régina, mon sort s’accomplira ;… mais au moins vous aurez été bonne, généreuse… et cette dernière pensée me consolera dans mon affreux malheur… »

— Ah ! Monsieur, — dis-je au prince, — croyez-moi, un pareil langage, et tout ce que le génie de l’amour vous inspirera, réveillera dans le cœur de Madame de Montbar les souvenirs toujours si puissants d’un premier attachement…

— Je le désire si ardemment… que je finis par l’espérer… — reprit le prince ; — mais comme cette dernière illusion peut m’être ravie… — « Encore en un mot, dirai-je à Régina, le dernier… Quoi que vous décidiez, Madame, dès ce moment vous êtes libre… ce soir ou demain vous me ferez connaître votre résolution. Si vous me refusez, je confierai à votre délicatesse le soin d’éviter tout ce qui, dans notre séparation, ferait éclat ou scandale… Demain je pars pour l’Italie… vous ne me reverrez jamais. »

— Allons, courage, Monsieur, — dis-je au prince, — espérez tout d’une conduite si noble, si généreuse…

— Oh ! vous serez mon sauveur, je le sens, — me dit le prince avec un accent de gratitude profonde ; — mais comment ai-je mérité, mon Dieu ! que vous daigniez venir à moi ?

— Vous étiez malheureux, Monsieur, et j’ai beaucoup souffert.

À ce moment la voiture s’arrêta.

Jérôme se tourna sur son siège, se pencha vers la glace de devant et me dit :