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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/147

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toujours profondément, Madame ; c’est une des fatalités de ma position, il m’est peut-être permis de vous faire cet aveu… à cette heure que nous sommes sur le point de nous séparer ; aussi, à quoi bon vous rappeler mes vaines et tardives tentatives pour reconquérir votre amour ? Celui que vous aimez est digne de cet amour, Madame… »

— Il n’est que trop vrai… — murmura le prince avec un accablement douloureux. — Ah ! elle ne l’eût pas aimé… sans cela !

— Ne vous désespérez pas d’un pareil choix, Monsieur, — dis-je au prince, — un sentiment élevé sauvegarde une âme généreuse… et d’elle on peut tout attendre… même un sacrifice héroïque.

— Quoi ! — s’écria le prince… — vous espérez…

— On doit tout espérer, Monsieur, d’un aussi noble cœur que celui de Madame de Montbar ; vous lui disiez donc : — « En vain j’ai voulu, Madame, sortir de mon oisiveté passée… quelques mots bienveillants de vous m’eussent fait persévérer dans cette voie… mais je ne méritais plus même votre intérêt… vous voyant insensible à ces résolutions meilleures, je suis retombé dans mes tristes habitudes, j’ai cherché dans de nouveaux égarements l’oubli de bien cruels chagrins. Ce ne sont pas, Madame, des reproches que je vous adresse… ce sont d’amers regrets que je vous exprime… Un mot encore… Je n’ai, je le sais, aucun droit à la faveur que j’ose implorer de vous… Ne voyez dans cette demande qu’une de ces folles espérances comme en ont ceux qui, roulant à l’abîme, font des efforts insensés pour ne pas mourir. Enfin… si vous vouliez, Madame, vous, si bonne, si généreuse… si vous vouliez me laisser tenter une dernière fois… » de regagner ce cœur que j’ai perdu ! »

— Oh ! Je vous comprends… je vous comprends, — s’écria le prince attendri et semblant saisi d’un espoir ineffable. — Oui… je connais Régina, cette résignation la touchera. — « Pour regagner votre cœur, Régina, lui dirai-je, — poursuivit le prince comme s’il se fût adressé à sa femme, — pour regagner votre cœur, que ferai-je ? je l’ignore encore… mais je vous aime tant, Régina, qu’il me semble que je trouverai le moyen de vous persuader ; tout ce que je vous demande… c’est de me laisser vous aimer… c’est de vous laisser convaincre. Ne vous occupez pas de moi davantage pour cela… Vivez votre vie accoutumée. Oh ! je ne serai pas importun, allez… Seulement, par pitié, ne vous séparez pas encore de moi…