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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/151

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tre… Je n’insisterai pas, Monsieur ; je n’ai pas l’honneur de vous connaître ; je n’ai aucun droit à l’inexplicable intérêt que vous m’avez témoigné… Ce que vous avez bien voulu faire pour moi m’impose une éternelle reconnaissance. Tout ce que je regrette, et amèrement, je vous le jure, c’est que vous ne puissiez pas accepter l’offre de mon inaltérable amitié… j’en serais digne pourtant… croyez-moi.

Et comme je ne répondais rien au prince, qui s’était interrompu une seconde, dans l’espoir peut-être que j’accepterais son amitié, il reprit tristement :

— Pardon encore… pour ce dernier regret… mais du moins… votre main, Monsieur… votre loyale main… qu’il me soit permis de la serrer pour la première… et pour la dernière fois.

Et ma main répondit à la cordiale étreinte du prince…

 

Exprimer ce qu’à ce moment je ressentis de bonheur glorieux, ineffable, est impossible… moi, pauvre valet de ce prince… l’avoir amené là… par le seul ascendant d’une âme honnête, droite et aimant le bien.

Je l’avoue : pour la première fois de ma vie, je ressentis de l’orgueil et je me dis : — Oh ! merci à vous, Claude Gérard, mon ami, mon maître… Merci à vous dont les enseignements, les exemples, ont épuré mon cœur et m’ont donné quelque force d’âme.

 

— Maintenant, Monsieur, — dis-je, au prince, — adieu… courage… et persévérance.

— Adieu, Monsieur… — me dit-il, — et dans le cas où j’aurais à vous écrire ?

— Veuillez adresser votre lettre à M. Pierre, à Paris, poste restante.

— Et vous me répondrez, n’est-ce pas ? au moins cela, je vous en conjure.

— Je vous répondrai avec empressement… avec bonheur, Monsieur, soyez-en certain.

— Adieu donc, Monsieur, puisqu’il le faut… et pour toujours, adieu.

Puis baissant la glace, il dit à Jérôme :

— Cocher… ouvrez-moi,

— Vous voulez descendre ici ? — lui dis-je.

— Oui, il me semble que l’air… et un peu de marche me feront du bien… Adieu donc, Monsieur ; encore votre main.