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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/163

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ne sentais que trop sourdre en moi, car la voiture où je me trouvais était celle de Régina, et, là encore, j’aspirais ce parfum particulier aux vêtements de ma maîtresse, philtre toujours enivrant… toujours dangereux pour moi.

 
 

Nous arrivâmes chez M. de Noirlieu ; je laissai la voiture à la porte, j’entrai, et, comme toujours, Melchior s’apprêtait à me donner sa courte audience sur le perron du vestibule,

— Monsieur Melchior, — lui ai-je dit, — j’ai une lettre de Madame la princesse à remettre à M. le baron… à lui-même !… ce sont les ordres de ma maîtresse.

Le mulâtre sourit dédaigneusement et haussa les épaules.

— Il ne s’agit pas, Monsieur Melchoir, de hausser les épaules, — dis-je en élevant la voix, — la commission dont Madame m’a chargé est si importante et si pressée, qu’elle m’a dit de prendre sa voiture.

— Sa voiture ! — dit Melchior très-surpris.

— Oui, j’en descends à l’instant même : elle est à la porte… ainsi conduisez-moi à l’instant auprès de M. le baron, à l’instant.

— Impossible ! — me répondit rudement Melchior.

— Impossible ?…

— M. le baron est souffrant et ne reçoit personne.

— Écoutez-moi bien, Monsieur Melchior, — m’écriai-je, impatienté de ce mauvais vouloir, — si, à l’instant, vous n’obéissez pas… aux ordres de ma maîtresse…

— Eh bien ?

— Je vous prends par les deux épaules, comme cela, — et je fis ce que je disais, — je vous fais tourner comme ceci, — et j’agis en même temps que je parlais ; — puis j’entre dans la maison en appelant de toutes mes forces M. le baron… il me répondra… et je lui remettrai ma lettre.

Ce disant, je fis en effet pirouetter Melchior, qui, par son âge et sa stature, ne pouvait lutter avec moi, et je m’élançai dans la maison, en criant de toutes mes forces :

— Monsieur le baron ! Monsieur le baron !

— Malheureux ! — dit le mulâtre en courant après moi, — vous tairez-vous…