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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/169

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trai dans le premier salon, j’entendis Just dire à la princesse avec anxiété :

— Régina, mon Dieu, qu’avez-vous donc ? Après votre billet… si laconique… cette pâleur… ce silence…

— Just… écoutez-moi… Ce matin… on m’a remis entre les mains la preuve de l’innocence de ma mère…

— Vrai ?… — s’écria Just dans une sorte de transport.

Puis il ajouta, d’une voix émue :

— Tenez, je crois que je ressens cela… aussi profondément que vous… Vous devez être si heureuse… Mais ce bonheur a quelque chose de si saint, de si austère… que maintenant je comprends votre émotion…

— Les preuves de l’innocence de ma mère étaient si évidentes, — reprit Régina d’une voix de plus en plus altérée, — qu’il y a quelques instants encore mon père était ici plus tendre qu’il ne l’a jamais été… il me parlait de ma mère avec des larmes d’admiration.

— Enfin, voilà donc vos derniers chagrins oubliés…

— Just… de grâce… écoutez encore… celui-là… qui a ainsi vengé la mémoire de ma mère… celui-là qui… mérite de ma part… une reconnaissance…

— Éternelle… inaltérable !… — s’écria Just, — car je sais aussi, moi, ce que vous avez souffert. Combien de fois la perte de l’affection de votre père, le souvenir de l’outrage qui pesait sur la mémoire de votre mère n’ont-ils pas attristé les joies les plus pures de notre amour ! aussi votre reconnaissance, Régina, je veux la partager… Ce n’est pas à vous seule d’acquitter cette dette sacrée…

— Arrêtez ! — s’écria Régina. — Ô mon Dieu !… on dirait d’un piège que j’ai tendu à sa générosité… ajouta-t-elle en tremblant.

— Un piège ?… à ma générosité !!!

— Savez-vous quel est celui à qui je dois cette reconnaissance inaltérable que vous voulez partager ?

— Achevez…

— Du courage… mon Dieu !… c’est…

— C’est ?…

— Mon mari.

Il y eut un moment de nouveau et profond silence, pendant lequel il me sembla entendre les pleurs étouffés de Régina.

— C’est votre mari… eh bien ! — reprit Just d’une voix étonnée,