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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/176

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est à prendre, celui du devoir… Quant aux conséquences, tôt ou tard, le bien engendre le bien… Souvent on est dupe de son bon cœur, disent les sots et les méchants, c’est faux. — Quand une loyale et bonne action a-t-elle été funeste à son auteur ? jamais. — Peu importe l’ingratitude : le bien se fait pour le bien, — celui à qui vous donnez votre manteau aura-t-il moins chaud, parce qu’il sera ingrat ? Non, — le bien est fait, songez à un autre : — Si l’on ne baise pas la main qui donne… jamais du moins on ne la déchire, sinon les fous, les enragés. Faut-il juger l’humanité au point de vue des fous et des enragés ? Un proverbe dit : Fais ce que dois… C’est juste ; le proverbe ajoute : advienne que pourra. Cette invocation au hasard est indigne. — Fais ce que dois, le bien adviendra. Voilà le vrai. »

— Oui… il me semble entendre votre bon et noble père, — dit la princesse ; — voilà ses sentiments, voilà ses paroles…

— Eh bien ! Régina, à ces enseignements nous ne faillirons pas ; nous dirons, comme mon père : un parti seul est à prendre, celui du devoir… Faisons ce que devons… le bien adviendra. Vous devez à votre mari une reconnaissance éternelle ; il vous a persuadée de son amour… il souffre, il se résigne, il se repent, il vous demande comme grâce suprême de permettre qu’à force de dévouement il tente de regagner votre cœur… Régina… vous n’hésiterez pas…

— Just… oh ! mon Dieu !… — dit la princesse d’une voix tremblante, — je ne sais… mais maintenant… j’ai peur… cette épreuve m’épouvante…

— Elle doit vous effrayer, Régina, car elle m’effraye aussi pour mon amour… Sans cela… cette épreuve, je ne vous la conseillerais pas.

— Que dites-vous ?

— Si cette épreuve était par vous résolue d’avance, je vous l’ai dit, Régina, souffrir qu’elle fût tentée, serait une indigne hypocrisie.

— Mon Dieu… mais vous-croyez donc que je puis l’aimer encore d’amour, lui ?

— En disant oui… je me tromperais peut-être, Régina… en disant non, je pourrais me tromper encore… Qu’adviendra-t-il de cette épreuve, de ce devoir accompli ?…

— Hélas !… vous l’ignorez comme moi… et, je vous le dis… à cette heure ce doute m’épouvante.