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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/182

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ai réuni les preuves nécessaires à la réhabilitation de la mémoire de Mme de Noirlieu.

« Vous êtes tous deux profondément touchés de la résignation de M. de Montbar qui ne demande qu’à tenter de reconquérir le cœur de sa femme à force de soins et d’amour, puis de s’éloigner à jamais si cette tentative est vaine.

« C’est moi qui, le suivant au milieu d’une orgie où il allait lâchement étourdir son chagrin dans l’ivresse, lui ai soufflé au cœur ces inspirations à la fois dignes et résignées qui font sa force, comme vous dites tous deux. »

Oh ! mon Dieu !… en parlant ainsi, avec quelles bénédictions

j’aurais été accueilli de Just et de Régina ! avec quelle cordiale affection ils m’auraient appelé leur ami peut-être ! Leur ami !… moi, pauvre

enfant trouvé… pauvre laquais que je suis.

Oui, cela eût été doux à mon cœur et à mon orgueil !… Mais de ce que Just et Régina ignorent ce que j’ai fait pour eux en suis-je pour cela moins leur ami ?… les ai-je moins conduits autant qu’il a été en moi dans la voie du devoir et de l’honneur ?

Voie souvent bien rude, bien douloureuse. Hélas ! qui le sait mieux que moi ? Oh l’oui, rude, douloureuse comme celle de tout calvaire… Mais une fois arrivé au sommet avec la lourde croix qu’on a longtemps portée… quel regard de mélancolique satisfaction l’on jette au loin… sur ce chemin si péniblement parcouru… et qui garde parfois les traces sanglantes de notre passage !

Ô Claude Gérard, mon maître, mon ami… merci de tes enseignements, de tes exemples… Ils m’ont donné la force et le courage de le gravir… ce cruel calvaire

Non, non, cette tentation de tout révéler à Just et à Régina était une pensée mauvaise.

Mon orgueil me rendait injuste… M. de Montbar a souffert aussi lui, cruellement souffert… Si sa douleur à manqué de dignité, n’est-ce pas là une des conséquences de la funeste éducation qu’il a reçue… éducation que trois mots résument :

Orgueil. — Richesse. — Oisiveté.

Si le prince a longtemps cherché des consolations indignes de lui, n’a-t-il pas accueilli avec un empressement, avec une modestie qui l’honorent, les inspirations meilleures que j’ai tâché de lui donner selon mon cœur ? Sa conduite envers sa femme, dont celle-ci a été