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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/181

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Régina était tombée sans connaissance à deux pas de sa cheminée, tenant à la main le billet de Just.

Au risque de ce qui pouvait arriver, je jetai vite le billet au feu, craignant l’indiscrétion de Mademoiselle Juliette ; puis je tirai violemment, et à plusieurs reprises, le cordon d’une sonnette.

La femme de chambre de la princesse arriva presque aussitôt. — Madame se trouve mal, — m’écriai-je. — Vite… Mademoiselle… du secours ; je vais vous envoyer Madame Félix.

(C’était l’autre femme de la princesse.)

Et, sortant précipitamment, j’ai couru à l’office où était cette femme, qui s’est hâtée d’aller rejoindre Mademoiselle Juliette.

 

Tel a été le dénoûment de ce drame domestique, dont j’ai fait, pour ainsi dire, agir les personnages à mon gré, ou plutôt selon l’inspiration de ma conscience, selon les exigences sacrées du droit et du devoir.

 

Je suis remonté chez moi dans un trouble, dans une anxiété inexprimable, surtout ému de la plus douloureuse compassion envers Just… dont la conduite avait été d’autant plus généreuse, que d’abord il avait cédé à ce sentiment d’égoïsme inséparable de l’amour, puis qu’à cet accès de personnalité avait succédé l’austère sentiment du devoir, du sacrifice

Régina aussi m’a profondément touché, parce qu’elle a été vraie, parce qu’elle a été femme.

D’abord, sous l’impression de la reconnaissance qu’elle devait à son mari, dont la conduite venait d’être digne et généreuse, Régina, la première, a parlé à Just de la nécessité d’une séparation : puis, ressentant les angoisses, les craintes que lui inspirait la pensée d’oublier Just ou de perdre son amour, elle a voulu s’opposer de toutes les forces de sa passion à la résolution qu’elle avait d’abord sollicitée.

Just… Régina !…

Pauvres chères âmes, victimes de la fatalité de leurs sentiments élevés…

Oh ! qu’il m’a fallu de courage pour résister à la double tentation de calmer leurs scrupules et de satisfaire mon orgueil en paraissant tout à coup et leur disant :

« Cette reconnaissance qui, surtout, vous enchaîne tous deux à M. de Montbar,… elle est vaine… il n’y a aucun droit… Moi seul