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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/189

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quelles sont vos opinions politiques, mon ami ; mais vous avez approuvé, loué même, les sentiments et les termes de ce factum, parce que, m’avez-vous écrit, la conviction et la loyauté sont partout respectables.

« La pauvre famille vendéenne a été sauvée, et l’on m’a accordé en partie l’honneur de cet acquittement. Ceci avait eu dans notre monde un retentissement exagéré ; cela devait être, je me trouvais classé un peu au-dessus des inutiles et des oisifs, on m’accueillait avec une distinction autre que celle que l’on accorde seulement à la naissance ; les hommes éminents de notre par m’avaient fait, dès cette époque, plusieurs ouvertures des plus flatteuses, et pour mon âge et pour mon peu d’importance réelle. Enfin, nos journaux me signalaient comme un homme d’avenir, pour notre opinion.

« Ces louanges, d’une bienveillance si peu méritée, ne m’aveuglaient pas ; mais elles m’obligeaient à persévérer dans mes bonnes tendances, et elles me prouvaient, du moins, que mes efforts m’étaient généreusement comptés.

« Madame de Montbar s’était aperçue et m’avait aussi loué de ce changement remarquable dans ma position ; les hommes les plus justement considérés l’avaient félicitée sur la voie où j’entrais si glorieusement, disaient-ils. Son père, qui s’était opposé à notre mariage, et m’avait été longtemps hostile, me comblait de preuves d’affection ; que vous dirai-je ?… aimé… comme autrefois je l’avais été de ma femme ou comme j’espérais l’être encore, j’aurais été le plus heureux des hommes…

« Cependant j’osais à peine m’interroger sur les progrès que je pouvais avoir faits dans son cœur…

« Plus de deux mois s’étaient passés depuis cette tentative trop hâtée, que je me suis si longtemps reprochée. Madame de Montbar se montrait pour moi affectueuse, égale ; elle s’intéressait à mes travaux, me conseillait avec sagesse et discernement, tempérait parfois la fougue de mes opinions. Elle me parlait avec intérêt de l’avenir qui m’était réservé ; des espérances que je pouvais concevoir comme représentant de mon opinion, etc.

« Mais malgré le calme, la tranquillité que Régina affectait, je la surprenais souvent triste, rêveuse ; sa santé s’altérait visiblement, et le sourire avec lequel elle accueillait tout ce que je tentais pour lui plaire avait quelque chose de doucement résigné qui souvent me navrait…