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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/19

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n’en savait rien ce soir chez nous ; mais il n’en fait jamais d’autres. Quand le marquis s’en va, il ne veut qu’on soit content qu’au dernier moment. Ah ! pour ça, oui, Madame va être contente. Pendant cette absence-là, voilà sa vie de presque tous les jours : Le matin son bain après ça son déjeuner, et puis vite un petit fiacre, et en voilà jusqu à six heures, où elle rentrera à l’hôtel pour dîner ; après dîner elle écrira une lettre de huit pages, que je porterai le lendemain matin (M. de Surville y répondra par un billet de deux lignes), et, la lettre écrite, elle s’habillera pour aller dans le monde revoir son trésor. Ses plus jolies, ses plus fraîches toilettes sont pour ce soir-là.

— Je les croyais brouillés ? — dit Juliette.

— Oui, pendant six mois, cette pauvre Madame… (elle est si bonne !) à manqué d’en mourir ; elle se fanait que c’était pitié… mais, maintenant, elle est redevenue charmante ; son amant lui va si bien !

— C’est bien fait, — dit Astarté, — un mari si bête !

— Et si sale ! — dit Madame Lambert. — Nous voyons cela, nous autres… Tenez, si le monde savait ce que nous savons, on excuserait les trois quarts des femmes qui ont des amants.

— Je les excuse toujours, moi d’abord, — dit Astarté ; — ce sont les meilleures maîtresses à servir… ça vous les rend d une douceur… d’un onctueux !… Et chez vous, Isabeau, y a-t-il du nouveau ?

— Oh ! chez nous, — reprit la femme de chambre de Madame Wilson, — on est toujours gaie, toujours folle ; on dit bonjour et bonsoir au père Wilson, qui ne met pas le nez hors de ses bureaux… et on adore un ange de petite fille… voilà tout.

— C’est drôle, — dit Astarté.

— Le fait est, — reprit Leporello, — que je n’ai jamais entendu rien dire sur Madame Wilson chez mon maître ; et Dieu sait comment on y habille les femmes du monde.

— C’est peut-être aussi parce que ces messieurs en déshabillent beaucoup, — dit Astarté.

— Bravo ! — fit Leporello.

— Et ici ? — dit Astarté en interrompant du regard la femme de chambre de Régina.

J’éprouvais une angoisse singulière en attendant la réponse de Juliette, qui dit tout à coup :

— Tiens, où est donc le père Louis ?

C’était le vieux valet de chambre du prince, tous les yeux se