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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/20

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tournèrent vers la place que cet ancien serviteur avait occupée ; il avait discrètement disparu, sans que l’on eût remarqué son départ.

— Il aura filé, bien sûr, — reprit Juliette, — quand il a vu la soirée tourner aux cancans ; il les déteste… Après tout, tant mieux, il est gênant, et puis on ne peut rien tirer de lui… sur notre maître.

Je fus en effet frappé de la discrétion de ce domestique, le seul qui fût sans doute dans le secret des excursions nocturnes du prince de Montbar ; je me demandai par quel prodige d’adresse il avait pu cacher jusqu’alors aux autres domestiques de la maison les absences de son maître, qui, je l’ai su depuis, se renouvelaient assez fréquemment.

— Vous avez raison, Juliette, — reprit la femme de chambre de Madame Wilson, — le vieux Louis nous aurait gênées… Eh bien ! je vous disais : et ici, depuis que la princesse court les bals et les fêtes avec ma maîtresse ?…

— Voilà tout ? rien de nouveau ? — dit Astarté.

— Ma foi, non ; Madame reçoit le matin la fleur des pois des élégants, comme dit Leporello :  ; elle fait toujours de superbes toilettes ; on lui envoie des bouquets sans nom, comme ce soir ; elle porte de préférence celui de sa fleuriste. Je n’en sais ni plus ni moins. Après cela, si les femmes de chambre, pour bien des raisons… savent souvent la fin des choses, elles en ignorent les commencements… ça regarde les valets de chambre. Dame ! ils annoncent les visites, ils peuvent donc remarquer celles qui sont plus ou moins longues… selon que Madame est seule ou avec du monde… Ils peuvent encore observer la figure triste ou gaie que les assidus font en sortant… s’ils sont rouges ou s’ils sont pâles, et surtout si, ayant leurs gants en entrant, ils les ont encore en sortant… C’est très-important… J’ai entendu dire au vieux Lapierre, qui a été longtemps au service de la fameuse princesse Romanof, que presque toujours on se dégantait chez elle au cinquième ou sixième tête-à-tête.

— C’est très-vrai d’observation, — dit Astarté. — Allez donc prendre la main d’une femme avec des gants !

— Aussi, — ajouta Juliette, — quant au nouveau qu’il pourrait y avoir ici, je vous dirais : Adressez-vous à M. Martin que voilà ; mais il n’est valet de chambre de Madame que d’aujourd’hui.

— Ma foi, mademoiselle, — dis-je à Juliette, — je vous assure qu’il faudrait que les choses me crèvent les yeux ; je ne suis pas fort pour l’observation.