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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/216

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— Se moquer… d’eux ?

— Non, sans les mépriser… Elle vous a des railleries si dures, si sanglantes, qu’elle vous les marque comme d’un fer rouge…

— Et ces imbéciles d’hommes en raffolent malgré ça ?

— Dis donc à cause de ça… et jusqu’aux rois qui s’en mêlent ou s’en sont mêlés.

— Des rois ?

— Oui… dans le Nord, Madame est restée là pendant près de deux ans, comme première chanteuse de l’Opéra de la cour… et ma foi, le roi…

— En est devenu amoureux ?

— Amoureux fou… comme les autres ; mais un beau jour, je ne sais ce qui est arrivé, on a dit que lors d’un rendez-vous avec Madame, le roi a couru un grand danger… dont un inconnu l’a sauvé comme par miracle.

— Un danger, dans un rendez-vous ? Ce roi avait donc un rival, alors ?

— Je n’ai jamais bien su la chose, ce n’était pas de mon temps ; le peu que j’ai appris, je le tiens de Juliette… Tu te rappelles bien Juliette, de chez la princesse de Montbar.

— Pardieu… où était Martin… bon garçon, mais taciturne en diable.

— Justement ; Martin avait accompagné la princesse… qui de princesse était devenue simple bourgeoise, vu que, depuis la mort du prince son mari, elle avait tout bourgeoisement épousé M. Just Clément son amant… Eh bien ! Juliette, qui, ainsi que Martin, était restée au service de la princesse ou de Madame Clément, si tu l’aimes mieux, l’avait accompagnée dans cette ville du Nord ; c’est pendant leur séjour que s’est passée cette aventure du roi et de Mademoiselle Basquine. Du reste, Monsieur et Madame Clément allaient très-souvent à la cour ; le roi les aimait, dit-on, beaucoup ; toujours est-il qu’après l’aventure dont je te parle, Mademoiselle Basquine, au lieu de finir son engagement, qui était encore de six à huit mois, est revenue en France, et c’est peu de temps après son retour que je suis entrée chez elle… Je te parle de cette histoire de roi pour te faire comprendre que notre maîtresse doit trouver tout simple qu’un marquis se tue pour elle… quand un roi a manqué d’y passer…

— C’est juste… et Martin ?

— Je n’en ai pas entendu parler. Je crois qu’il est resté dans ce pays-là… je n’ai pas su pourquoi il avait quitté ses maîtres.