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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/220

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il s’est arrêté court, et m’a dit : Allons, ne criez pas si haut, rentrons dans votre loge, vous me donnerez de quoi écrire un mot, vous le porterez tout de suite à votre maîtresse, et vous verrez de quelle manière on vous traitera… pour m’avoir refusé sa porte… — Ma foi ! cet homme m’a dit cela d’un tel air, que, malgré sa mauvaise mine, j’ai craint d’avoir eu tort de ne pas le recevoir. Je lui ai donné de quoi écrire ; il attend dans ma loge… et voilà le billet qu’il demande que l’on remette à Madame.

Ce disant, le portier donna à Astarté une lettre fraîchement cachetée.

— C’est impossible, — dit la femme de chambre, — je ne peux pas éveiller Madame, elle s’est couchée à cinq heures du matin… elle ne m’a pas encore sonnée…

— Parbleu… envoyez-le promener, votre homme à barbe, — dit Leporello ; — voulez-vous que j’aille lui parler, moi ?

— Non… — reprit Astarté après quelques instants de réflexion, M. Durand a peut-être bien fait, et au risque d’éveiller Madame, je vais lui porter cette lettre.

 

Dix minutes après, Astarté revenait en courant.

— Ah ! mon Dieu… quelle bonne idée j’ai eue, — dit-elle à Leporello, — de porter la lettre à Madame !

Puis, s’adressant au portier :

— Vite, vite, Monsieur Durand, priez ce Monsieur d’entrer, et amenez-le ici.

Le portier s’empressa d’obéir, et revint bientôt précédant Bamboche.

On se souvient peut-être que le bandit, accusé de deux meurtres, et traqué de forêt en forêt après son évasion des prisons de Bourges, avait failli être arrêté par Beaucadet et ses gendarmes, dans un bois appartenant au comte Duriveau ; mais rencontrant d’abord Bête-Puante, qui lui avait donné asile dans son repaire, puis, plus tard, M. Dumolard, qu’il avait dépouillé de ses habits, de son cheval et de cette bourse de cinquante-cinq louis que le gros homme regrettait si amèrement, Bamboche, à l’aide de cette somme, était parvenu, après des peines infinies, à dépister les gens de police mis à sa recherche, et enfin à gagner Paris, où il espérait, non sans quelque raison, être mieux caché. Songeant enfin à Basquine, dont il connaissait la brillante position, il avait espéré que la compagne de son enfance lui serait secourable.