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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/241

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vous raille peut-être plus encore qu’elle ne vous hait… que je vous ai infligé cette humiliation salutaire.

— Et le but de cette belle exécution… dont vous vous faites si paternellement le bourreau, Monsieur, — dit Scipion, — quel est-il ?

— Comme les paroles les plus généreuses, — reprit le comte, — les supplications les plus tendres, n’ont pu vaincre votre indomptable insolence…

— Ah !..la scène du père sensible, — dit Scipion en ricanant ; — je vous ai conté cela, ma chère… c’était d’un effet médiocre… Monsieur m’ayant averti, dès longtemps, qu’il s’était étudié à avoir la larme facile.

Le comte poursuivit, impassible :

— Il ne me restait plus qu’un moyen, celui de vous frapper dans ce qu’il y a de vif en vous… votre orgueil… j’ai donc voulu… je veux abaisser cet orgueil, Monsieur… l’abaisser si bas… si bas… que vous rougissiez même devant cette femme… et que cette femme même rougisse de vous !… maintenant, je défie votre fatuité de vice de se relever de cette chute… vous, le roué, le contempteur de tout et de tous, vous voici réduit, de par l’autorité paternelle, à votre véritable proportion, celle d’un enfant moitié rebelle, moitié fou, que l’on châtie d’abord et que l’on guérit ensuite puisqu’il persévère dans le mal… et dans sa ridicule monomanie de corruption.

— Monsieur, — s’écria Basquine, en affectant de craindre que le comte n’exaspérât Scipion, — prenez garde… ces paroles sont cruelles…

— Laissez donc, ma chère, — reprit Scipion avec un insolent dédain, — je trouve la scène drôle… j’ai ma pensée… et mon projet ; seulement, cette drôlerie a un côté de lâche hypocrisie qui pose l’autorité paternelle de Monsieur sous une face nouvelle… Nous avons eu le père roué… le père féroce… le père sensible ;… nous voici au père tartufe… Car, ce matin encore, Monsieur faisait avec moi le bon et gai compagnon, pendant qu’il avait en poche l’ordre de me faire enfermer… Hier encore, il me disait : Allons, mauvais sujet, puisque tu le veux absolument, je verrai Basquine ; mais pas un mot de tout ceci à Madame Wilson… D’ailleurs, — reprit Scipion, avec un redoublement de sarcasme, — cela ne m’étonne guère, le proverbe est vrai : « Bon sang ne peut mentir. » Le fils du père Du-Riz-de-Veau, l’usurier enrichi, révèle toute la pureté de sa race ; il agit comme devait agir son estimable père, lorsqu’il lui fallait attirer