Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/255

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— Que dites-vous ?

— Mais, bah ! vous n’oserez pas… Il faudrait que vous eussiez absolument, — et Basquine appuya sur ce mot, — que vous eussiez absolument la même audace, la même énergie que votre père… et vous n’êtes pas de cette trempe de fer.

— Taisez-vous… — s’écria Scipion, effrayant de frayeur. — Je ne sais pas à quelles horribles pensées… vous me pousseriez en me parlant ainsi…

— Pas d’enfantillage, Scipion… ou je garde mon idée pour moi… Mais avant de vous la dire… je veux voir si elle est réellement praticable… pour cela résumons en deux mots votre situation : Si vous refusez d’épouser Raphaële… c’est pour vous la prison.

— Et le désespoir pour mon père… car il n’épouse pas Madame Wilson, sa seule véritable passion… Eh bien ! je subirai l’atroce humiliation de la prison… mais je le frapperai au cœur, j’y comptais bien. Ce sera toujours cela… en attendant mieux, et ce mieux… par l’enfer !… je le trouverai, que vous veniez ou non… à mon aide.

— Vous vous trompez complétement, mon pauvre Scipion, — dit Basquine en haussant les épaules : vous subirez l’atroce honte de la prison ; votre père se moquera de vous et épousera délicieusement la jolie veuve.

— Vous êtes folle… ne sais-je pas bien qu’elle ne se mariera qu’à condition que je rende l’honneur à sa fille ?…

— Vous raisonnez comme un enfant : Madame Wilson, avant tout, idolâtre sa fille… et lorsque cette tendre mère verra que vous aimez mieux aller en prison… que d’épouser cet ange… elle comprendra quel abominable mari vous auriez fait, se consolera fort de ne pas vous avoir pour gendre ; et comme de plus Madame Wilson est très-pauvre et que votre père est colossalement riche, elle ne sera pas assez sotte pour manquer un pareil mariage… qui lui permettra par la suite d’assurer même l’avenir de sa fille, doublement compromis par vous… Il vous restera donc pour seule vengeance le plaisir d’écrire du fond de votre ridicule prison à Madame Wilson, votre seconde mère, pour la prier d’intercéder pour vous… et comme le bonheur rend indulgent, il se pourra que votre père, au comble de la félicité… vous pardonne le tour sanglant qu’il vous a joué.

À ces paroles de Basquine, Scipion tressaillit et resta un moment pensif.

Le vicomte, ainsi que son père et le monde, ignoraient que