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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/299

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mon superflu, que ce pays devienne salubre et fertile ; ses habitants, épuisés, maladifs, sont décimés par des fièvres terribles ; je veux qu’ils deviennent sains, robustes, et que leur vie ne soit plus fatalement abrégée.. Ils habitent de misérables tanières où ils endurent les plus cruelles privations ; je veux qu’ils aient des demeures salubres, riantes, où ils ne manqueront de rien de ce qui est nécessaire à la vie… Ils sont voués à un labeur écrasant, presque toujours accompli avec dégoût, parce qu’il est insuffisant à leurs besoins ; je veux que leurs travaux soient attrayants, variés, intelligents, productifs, afin que l’amour du bien-être et que le sentiment de la dignité morale leur fassent aimer, honorer leurs travaux. Ils vivent enfin misérables, faibles, ignorants, trop souvent ennemis, par le fait de l’isolement ; je veux qu’ils deviennent heureux, puissants, éclairés, affectueux ; qu’ils deviennent frères enfin par le fait de l’association, dont je leur donnerai l’exemple. — Cet homme a voulu cela, — ajouta Claude Gérard, — et ses volontés se sont réalisées…

— Rien de plus généreux que ce raisonnement, s’écria Just. — Je ne m’étonne pas de la fécondité de pareils principes, mais de leur application si prompte et sur une si large échelle.

— C’est qu’alors qu’il s’est agi de l’application, — reprit Claude Gérard, — cet homme a senti que l’heure du sacrifice et de l’abnégation était venue.

— Comment cela, Monsieur ? — dit Régina.

— Cet homme a compris que dans l’état de misère et de routinière ignorance où étaient plongés ceux qu’il voulait régénérer, il fallait, pour les amener à cette régénération morale et matérielle, offrir à leur intérêt des avantages réels, frapper leur esprit par un généreux exemple… Il a donc assemblé ses métayers ainsi que les habitants de ce pauvre village, et leur a dit : « Depuis que je vis au milieu de vous, j’aurais dû accomplir les devoirs rigoureux auxquels ceux qui possèdent tout, sont obligés envers ceux qui ne possèdent rien… J’ai à expier… le passé… l’avenir m’absoudra, je l’espère ; voici ce que je vous propose : — le territoire de cette commune est de six mille arpents à peu près, qui m’appartiennent, sauf trois cents arpents morcelés entre vous ; associons-nous. Que vos terres et les miennes ne fassent plus qu’une propriété qui soit nôtre ; qu’il en soit ainsi de nos troupeaux, de nos chevaux. Dans cette association vous donnerez vos bras, votre industrie ; moi, le sol, les constructions et l’argent nécessaire aux premières cultures ; en fournissant