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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/302

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ciaux, les logements des associés n’étaient absolument destinés qu’à l’intimité, au repos et au sommeil, ils étaient tenus avec une extrême propreté ; plusieurs associés avaient même déjà employé une partie de leurs bénéfices à orner leur demeure particulière avec une certaine élégance.

Just et Régina, de plus en plus émerveillés, entrèrent bientôt, sous la conduite de Claude Gérard, dans une vaste salle où une cinquantaine de jeunes filles et de jeunes femmes, brillantes de santé, proprement vêtues, étaient occupées à travailler, soit à la dentelle, soit à différentes pièces de lingerie. Parmi les travailleuses, Just et Régina reconnurent la brave Robin et ses compagnes de la vacherie, qui, pendant le temps qu’elles n’employaient pas à l’étable, venaient travailler, selon leur aptitude et leur goût, soit à la dentelle, soit à la lingerie, tandis que d’autres préféraient s’occuper au jardin, à la buanderie ou aux cuisines.

Rien n’était plus gai, plus animé que cette réunion de jeunes travailleuses ; le léger babil de celles-ci, les rires frais et doux de celles-là, les petits chantonnements des autres, formaient le plus joyeux murmure.

Soudain Just et Régina restèrent émus, frappés, d’un tableau touchant qui s’offrit à leur vue.

Dans la vaste salle de travail, venait d’entrer dame Perrine… marchant doucement, sa main appuyée sur l’épaule de Bruyère.

La mère de Martin, encore très-belle malgré sa pâleur, avait l’air un peu souffrant ; mais sa physionomie exprimait la plus ineffable bonté ; vêtue de noir selon sa coutume, un simple bonnet blanc laissait voir ses larges bandeaux de cheveux noirs.

Bruyère, réglant soigneusement son pas sur celui de sa mère, qui s’appuyait doucement sur son épaule, avait conservé son costume d’une originalité charmante et sauvage : quelques brindilles de bruyère rose ornaient sa jolie chevelure ondée ; ses bras ronds, légèrement hâlés, étaient demi-nus : seulement des bas blancs et des brodequins de cuir avaient remplacé ses bottines tressées de jonc et ses sabots ; on lisait sur sa ravissante figure, pâle et affectueuse comme celle de sa mère, les traces d’une mélancolie remplie de résignation… La pauvre petite Bruyère regrettait toujours son enfant… qui lui avait cependant coûté tant de larmes… tant de honte.

— Mon Dieu ! Monsieur Gérard, — dit tout bas Régina, — quelle est donc cette charmante personne qui vient d’entrer, et sur la-