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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/334

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314 LE BERGER DE KRAVAN.

« C’est seulement au fond des caves que l’on peut juger du supplice de ceux que leur age ou la rigueur de la saison ne permet pas de faire sortir, Le plus souvent, tls cou- chent tous sur l@ terre nue, sur des débris de colza, sur des fanes de pommes de

» lerre desséchés, sur du sable, sur les débris mêmes péniblement recueillis dans le tra-

»

vail du jour. Le gouffre où ils végètent est entièrement dépourvu de meubles, et ce n’est qu’aux plus fortunés qu’il est donné de posséder un poêle flamand, une chaise de bois et quelques ustensiles de ménage. Je ne suis pas riche, moi, nous disait une vieille femme en nous montrant sa voisine étendue sur l’aire humide de la Cave, MAS j’ai ma botte de paille, Dieu merci ! »

« L’industrie de ces femmes consiste à ramasser dans les rues des épluchures de le- gumes dont elles essayent d’extraire un peu de nourriture, ou à recueillir des cendres pour les tamiser et les vendre après s’en être servies en guise de mareras. J’en ai vu qui brülaient de vieilles chaussures de cuir, faute de combustible, et qui ajoutaient cetre infection à l’infection naturelle du logis. Uneodeur inexprimable s’échappait de ces foyers autour desquels se tenaient accroupis des enfants souvent entassés trois par trois dans de vieux paniers ronds où ils représentaient assez bien, au bonheur près, de véritables nids d’oiseaux. Le père de famille habite rarement ces tristes demeures ; il se hâte de les fuir au lever du jour, et n’y revient que fort tard vers la nuit. La mére seule, par sa tendresse vigilante, brave l’horreur d’y vivre pour assurer la vie de ses enfants.

» Une augmentation d’un centime serait, pour quelques-uns des ouvriers, le maximum de l’ambition ; d’autres bornent leurs vœux à 15 centimes pour une ligature dans le pliage, el à 20 centimes pour deux. Ce centime supplémentaire, c’est quelquefois la vie où la mort d’un enfant, c’est la possibilité d’acheter une paire de sabots, un verre de lait, un peu de bois de chauffage,

» Voici le budget d’un de ces braves gens, tel qu’il l’a rédigé lui-même dans une année heureuse : « Je suis chevilleur, je gagne 2 fr. par jour, Ma femme est dentelière et gagne 10 à {5 centimes par Jour. J’ai quatre enfants. L’aînée a dix ans, elle va en classe chez les sœurs de la Présentation. Les plus jeunes vont à la salle d’asile. On mange 24 kilog. de pain bis par semaine, à 22 cent. 1f2 le kilog. 5 fr. 40 c- » La viande est trop chère, nous ne mangeons que des débris trois

fois par semaine, à 25 centimes. .. ........ PR TE UE D » 75 » Il n’y a que moi qui mange du beurre, à raison de 250 grammes

par MIA eu de» ee be au AGEN EURE AS RIES » 50 » Ma femme et mes enfants mangent de la mélasse on des fruits avec

léur pain, 44 sus sie danois RAS RUSSE » 80 » Nous consommons des pommes de terre et des haricots pour... ... Î ” » Du lait, une demi-pinte par jour. ... :..... dis TR ROLÉNIER w 35 » Loyer d’une cave à trois mètres au-dessous du sol. ............ 1 50 » Du charbon, cette consommation est un pen forte parce qu’il faut

faire sécher le linge an feu... ,,444.6% teen 4 none i 85 » Savonet éclairage... ss PE PE Re Î 10

a —

» Total pour la semaine, ,.,,.,..,,....sssus..suveuers 12 fr. 75

» Nous recevons au bureau des secours : 3 kilogrammes de pain bis tous les quinze jours. Ma fille aïnée reçoit aux vacances, chez les sœurs, soit un FonGboF» soit une chemise ; les trois petites reçoivent à la salle d’asile, tous les ans, à Noël, une robe de molleton, une chemise, quelquefois des bas. Malgré cette faveur, et malgré notre travail, ajoute ce brave buvrier, sous peine d’être nus, nous vivons en men diant, et la loi le défend. » £ « Telles sont les doléances de l’un des soldats de ce corps peu connu des filüiers qui

compte tant d’armes différentes, et cette histoire est celle de ses beaux jours. J’aurais pu

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