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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/48

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M. Duriveau resta seul avec l’avocat.

L’avocat était un petit homme, à l’air calme et sardonique ; il portait des lunettes bleues et tenait sous le bras un gros volume aux tranches bariolées de diverses couleurs ; il fit très-poliment signe à Monsieur Duriveau de s’asseoir.

— À qui ai-je l’honneur de parler, Monsieur ? — demanda celui-ci.

— À Monsieur Dupont… avocat.

— À monsieur Dupont… avocat ? — dit M. Duriveau avec surprise et hauteur, — qu’est-ce que ça veut dire ? pourquoi faire, un avocat ?

— Pour qu’il fasse son petit métier, Monsieur.

— Votre métier ? Ah çà ! c’est une plaisanterie.

— Monsieur connaît-il l’article 322 du Code criminel ? — demanda le légiste.

— Comment ! Monsieur ? — s’écria le comte Duriveau en regardant l’avocat avec un étonnement croissant.

— Voici cet article — reprit l’avocat.

Et il lut :

Quiconque aura commis un attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violences sera puni de la réclusion.

— Monsieur ? — s’écria M. Duriveau.

— Monsieur sait-il ce que c’est que la réclusion ? — poursuivit le légiste.

— Mais enfin…

— Voici, — dit l’avocat, en interrompant M. Duriveau.

Et il lut ce qui suit :

Tout individu condamné à la réclusion sera enfermé dans une maison de force, et employé à des travaux dont le produit pourra être en partie employé à son profit.

Puis, regardant d’un air sardonique le comte qui pâlit, l’avocat ajouta :

— Vous me paraissez réunir toutes les vertus requises pour vous livrer à la confection des chaussons de lisière, Monsieur le comte, et à augmenter ainsi vos 3 ou 400,000 livres de rentes de 3 ou 4 sous que vous gagnerez par jour en charmant ainsi vos loisirs, soit à Melun, Poissy ou autres lieux de force.

Le comte Duriveau, stupéfait, abasourdi, ne trouvait pas une parole.

L’avocat continua avec un sang-froid imperturbable :