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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/49

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— Vous avez tendu un horrible guet-apens à la plus honorable des femmes, vous avez voulu vous porter sur elle à d’infâmes violences…

— Monsieur ! — s’écria le comte blême de fureur, — prenez garde…

— Chut… pas si haut… du calme… ou c’est moi qui vais élever la voix, — dit l’avocat toujours de sang-froid, — et dire à vos témoins… ce que vous leur avez prudemment caché… À savoir : l’infamie de votre conduite qui seule a motivé les voies de fait du capitaine Just.

— À cette menace que fit l’avocat, M. Duriveau resta de nouveau muet, interdit.

L’avocat continua :

— Le crime dont vous vous êtes rendu coupable vous rend passible des peines ci-dessus ; dès tout à l’heure je vais m occuper de rassembler tout ce qui sera nécessaire à l’instruction de cette indigne affaire… Ce sera au besoin de la besogne toute taillée pour le juge instructeur.

— Un crime ? le juge d’instruction ? Allons donc, Monsieur, vous me prenez pour un enfant, — dit M. Duriveau en retrouvant son insolente audace, — Vous ignorez donc qu’à ce compte il n’y a pas un homme du monde qui n’ait plusieurs fois dans sa vie voulu attenter, et avec violence encore, à la pudeur des femmes auxquelles il faisait la cour. Eh ! pardieu… Monsieur l’avocat, on ne fait la cour aux femmes que dans cette intention-là. Vous ignorez donc ces choses au Palais ?

— Ah ! mais c’est que… c’est très-joli au moins, mais très-joli, ce que vous dites là… au point de vue Régence ; seulement au point de vue du Code criminel, c’est stupide… Le procureur du Roi n’a pas à connaître (nous disons comme cela au Palais), le procureur du Roi n’a pas à connaître des attentats à la pudeur… dont les femmes ne se plaignent pas… au contraire… mais il décerne immédiatement un mandat d’amener (nous appelons cela… un mandat d’amener, au Palais) contre un misérable qui a attiré une honnête femme dans un guet-apens, afin de se porter sur elle à d’infâmes violences, malgré ses larmes et ses cris… Le crime démontré, et le vôtre ne l’est que trop, le criminel est condamné à une peine infamante… Ceci vous démonte un peu ? vous n’aviez pas envisagé votre indignité sous ce point de vue-là… ça m’étonne… vous aviez pourtant si bien la conscience d’avoir commis une révoltante lâcheté, que vous n’avez pas osé dire à vos témoins la cause de ce duel… C’était sagement