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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/51

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— Monsieur…

— On prend cette précaution pour vous empêcher de répandre les calomnies dont vous avez menacé ; ainsi songez-y bien, cette horrible affaire sera ensevelie dans le plus profond secret… ou elle aura le plus immense retentissement… Le capitaine n’agit pas ainsi par ménagement pour vous, bien entendu, mais pour épargner à la plus noble femme du monde un éclat toujours pénible… qu’elle bravera d’ailleurs, d’autant plus fièrement, si vous l’y forcez par vos calomnies, que la conséquence de cet éclat serait pour vous la prison, l’infamie… pour elle… un redoublement d’intérêt et d’estime.

— C’est tout… je suppose, — dit le comte Duriveau, se voyant avec une rage impuissante réduit à l’impossibilité de faire le mal qu’il s’était promis. — J’ai accepté l’épée… Il se fait tard…

— Deux mots encore ; aux derniers… les bons… — reprit le légiste. — Vous allez dire à vos témoins, en présence de ceux de M. le capitaine Just, à peu près ceci : « — J’ai prétendu, Messieurs que ce duel avait pour cause une rivalité jalouse, cela n’est pas exact. »

— Me rétracter ?… jamais.

— Voyez donc, ce scrupuleux ! — dit l’avocat en haussant les épaules. — Vous ajouterez : Je jure sur l’honneur que la cause de ce duel est la suite… d’une discussion… politique (ou autre à votre choix, si vous trouvez mieux).

— Un faux serment ! me déshonorer ! — s’écria M. Duriveau, — m’exposer à être traité d’infâme ! Ah çà ! mais vous êtes fou !

— Ne faites donc pas comme cela le délicat.

— Monsieur l’avocat !  ! — s’écria M. Duriveau furieux.

— Chut… du calme… ou je conte à vos témoins… Vous savez… je reprends : Vous jurerez donc sur l’honneur que toute espèce de rivalité est étrangère à ce duel. Voici tout bonnement pourquoi nous exigeons cela : de la sorte, le capitaine Just aura pour garantie de votre silence : 1° votre peur d’un procès criminel ; 2° votre peur de vous déshonorer… publiquement, ce qui arriverait si, après avoir juré sur l’honneur en face d’hommes d’honneur, que ce duel avait une cause étrangère à une rivalité jalouse… vous tentiez quelque insinuation calomnieuse contre la personne que vous savez.

— Jamais… je ne me rétracterai.

— Alors, Monsieur, — dit l’avocat en se levant, — vos témoins vont tout savoir…