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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/73

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— Je me rappellerai toujours les bontés de M. votre père et les vôtres, Monsieur Just.

— D’ailleurs, vous vous trouvez à merveille ici, n’est-ce pas ? — me demanda-t-il.

— Oui, Monsieur Just… je me trouve très-bien.

— Je le crois, vous avez d’excellents maîtres. — À propos ; — reprit-il, — savez-vous si M. de Montbar est chez lui ?

— Non, Monsieur Just, je l’ai vu sortir en voiture.

— Eh bien, — me dit-il en tirant péniblement un petit portefeuille de sa poche, sa blessure lui étant sans doute encore douloureuse, — vous remettrez, je vous prie, chez M. de Montbar, cette carte, — et il corna un de ses angles, — en lui faisant dire que j’ai beaucoup regretté de n’avoir pas pu avoir l’honneur de prendre congé de lui.

— Je n’y manquerai pas, Monsieur Just, — lui dis-je en prenant la carte.

— Allons, Martin, — me dit affectueusement le capitaine, — adieu, mon ami…

Je me suis approché de la’fenêtre, je l’ai vu traverser lentement la cour, et, pendant un moment où il attendit qu’on lui tirât le cordon, il s’est retourné, cherchant sans doute du regard la fenêtre de Régina, puis… la porte s’est ouverte et refermée sur lui. Je suis certain que le retentissement sonore de cette porte a eu un douloureux écho dans le cœur de Régina.

Ma première impression, en apprenant le départ de Just, a été une joie égoïste, cruelle… Le jour était très-sombre : quatre heures allaient sonner, l’heure à laquelle je portais ordinairement de la lumière chez la princesse… D’abord j’ai hésité, sentant que Régina devait avoir besoin d’être seule, que cette demi-obscurité devait être d’accord avec la mélancolie de ses pensées… j’étais certain qu’en ce moment, ma présence lui serait aussi importune qu’une soudaine clarté… mais, cédant à ma curiosité méchante, que je voulus me déguiser à moi-même en l’attribuant à l’intérêt que m’inspirait Régina, j’allai prendre la lampe de porcelaine que je lui portais habituellement, j’ouvris avec précaution la porte du premier salon, dont le bruit eût attiré son attention, et mes pas s’amortissant sur le tapis, j’avais soulevé la portière avant que Régina se fût doutée de mon approche.

À l’éblouissante clarté qui pénétra subitement dans son parloir…