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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/124

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me disiez-vous, — de connaître des mystères impénétrables même au médecin, même au juge, même au prêtre… ces trois confesseurs de l’âme et du corps, et la vicieuse constitution de la famille observée de ce point de vue si intime, vous avait offert, — ajoutiez-vous, — les plus curieux, les plus austères enseignements.

« Ces mémoires de votre vie, confiez-les-moi… ce n’est pas une futile curiosité qui me porte à vous adresser cette demande. L’humanité est partout la même : ce qui est vrai en France, est vrai ici, et pour ceux qui sont appelés à avoir une large part d’action sur les hommes, l’étude de l’homme est d’un puissant et éternel intérêt ; vous dirai-je enfin que la lecture de ces mémoires m’est encore désirable, parce qu’il y est peut-être question de moi, de mes actions, et que ces mémoires n’ont pas été écrits pour moi, car je vous connais et je sais qu’aucune considération n’aura pu, en ce qui me touche, altérer l’indépendance de vos convictions.

« Je n’insiste pas davantage : vous comprendrez les motifs de ma réserve ; si vous me refusez, je serai certain qu’une raison, certainement honorable et que je respecte d’avance sans la connaître, sera la seule cause de votre refus.

« Adieu ; croyez toujours à l’estime et à la reconnaissance profonde de votre affectionné

« ***—***.

« J’ai reçu votre lettre no 2. Je vous remercie de la notice sur l’organisation des crèches, c’est admirable ; le nom du grand homme de bien, dont le tendre génie va sauver ainsi la vie de milliers d’enfants, était encore inconnu ici, tandis qu’au moindre coup de canon, le nom et le titre du plus stupide de nos tueurs d’hommes, pourvu qu’il ait beaucoup égorgé, beaucoup ravagé, retentit en huit jours d’un bout de l’Europe à l’autre. »


Madame Perrine, toujours absorbée par la lecture des lettres et par la contemplation des deux portraits dont nous avons parlé, ne s’apercevait pas de la présence de Bruyère.

La jeune fille, depuis l’incomplète révélation du père Jacques, révélation si intéressante pour elle, puisqu’elle lui donnait le vague espoir de pénétrer le secret de sa naissance, grâce à certains objets cachés depuis longtemps, disait le vieillard, dans un fournil abandonné ; la jeune fille éprouvait une impatience remplie d’angoisses ;