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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/130

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Les deux femmes sortirent de la chambre, traversèrent le petit palier, et se trouvèrent en dehors des bâtiments.

Le ciel était d’une admirable sérénité. La lune, alors dans son plein, resplendissait de clarté au-dessus du noir rideau de grands sapins qui s’étendait à perte de vue ; à la surface des eaux dormantes de l’étang flottait une vapeur blanchâtre ; mais ces exhalaisons méphitiques se dissipaient à mesure que s’opérait la lente ascension de la lune dont les brillants reflets changeaient l’étang en une immense nappe de lumière argentée.

Le silence était profond…

La brise du soir, agitant les roseaux desséchés par l’automne, les faisait bruire par rafales… mais lorsque, de temps à autre, ce léger bruissement cessait avec le souffle capricieux du vent, une oreille attentive aurait pu distinguer au loin… bien loin… le bruit sourd et cadencé de plusieurs chevaux lancés au galop qui se rapprochaient peu à peu.

Dame Perrine et Bruyère étaient trop gravement préoccupées pour remarquer cette circonstance.

Mme Perrine et Bruyère arrivèrent bientôt auprès des ruines de l’ancien fournil ; il m’en restait que deux pans de murailles, à demi écroulés, formant un angle droit. Au milieu de l’une d’elles on voyait l’orifice du four, grossièrement bouché au moyen de tuiles reliées ensemble avec de la terre ; grâce à cette précaution, cette cavité ne pouvait servir de retraite ou d’embuscade aux fouines, aux putois, aux renards, et autres implacables ennemis des basses-cours. Le lierre, les ronces, couvrant cette maçonnerie, ne laissaient apercevoir à l’éclatante clarté de la lune que le demi-cintre de briques autrefois noircies et calcinées par les tourbillons de flamme qui sortaient de la bouche du four.

À quelques pas de ces ruines, situées sur la crête de la berge, les roseaux, dont l’étang était entouré, élevaient leurs tiges déjà fanées ; au milieu d’elles apparaissait, au-dessus du niveau de l’eau, la partie supérieure d’une porte d’écluse, destinée à déverser, dans un large canal couvert de joncs, les eaux de l’étang, lorsqu’on le mettait à sec, afin de le pêcher.

L’agitation de Mme Perrine augmentait à chaque instant. Les divers incidents de ce jour, les souvenirs sur lesquels elle s’était tue, mais qui n’en avaient pas moins un grand retentissement dans son cœur ; les demi-aveux, le trouble de Bruyère, causaient à Mme Perrine une