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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/132

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l’angoisse et la souffrance, — je vous en prie, hâtons-nous, je ne me sens pas bien.

Ces mots rappelèrent Bruyère à elle-même ; en peu d’instants, elle eut pratiqué une ouverture suffisante pour pénétrer dans la sombre cavité, mais Mme Perrine la saisit par ses vêtements, et lui dit :

— Mon enfant… prenez garde… il y a de dangereux serpents dans le pays… Si quelque reptile était caché dans ce trou…

— Ne craignez rien, dame Perrine ; ce n’est pas encore le temps où les serpents gîtent pour s’engourdir.

Ce disant, Bruyère, d’un léger mouvement, se dégagea des mains de Mme Perrine dont le cœur se serra en voyant disparaître la jeune fille au milieu des ténèbres formées par la voussure du four,

À ce moment… mais Bruyère ne pouvait plus l’entendre, retentit de nouveau, et, cette fois… perçant, distinct et rapproché, le cri de l’aigle de Sologne.

— Un oiseau de proie… c’est triste… mauvais présage… — dit tout bas Mme Perrine en tressaillant.

Puis, comme si cette pensée eût redoublé ses craintes pour la jeune fille, elle se pencha vers la noire entrée du four, et s’écria :

— Bruyère, mon enfant… parlez-moi donc…

— Je cherche au long de la voûte, et partout… dame Perrine ; et Je. ne trouve rien… — répondit tristement la jeune fille.

— J’en étais sûre… pauvre enfant ! — dit Mme Perrine. Puis, prêtant l’oreille du côté d’où venait le vent, elle ajouta à demi-voix :

— C’est singulier… on dirait le galop de plusieurs chevaux qui s’approchent.

Elle écouta de nouveau et reprit :

— Ce sont les poulains de quelque métairie voisine qui restent la nuit dans les prés, et s’ébattent au clair de lune… — Tout à coup, la jeune fille poussa un cri perçant :

— Qu’y a-t-il ?… — dit Mme Perrine avec effroi. — Bruyère… en grâce… répondez !

— Un petit coffre… dame Perrine !

Et, presque aussitôt, la jeune fille toute palpitante d’une joie inespérée, reparut à l’entrée de la voûte,

Un peintre aurait fait de cette scène un tableau d’une originalité charmante.