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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/136

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— Cet étui… c’est à moi : comment se trouve-t-il ici ? je l’avais emporté… dans cette maison… je m’en souviens ; oui… dans cette maison… où l’on m’a conduite quand je n’étais pas encore… tout à fait folle.

— Vous… folle !… s’écria Bruyère avec terreur.

— Dans cette maison, — poursuivit madame Perrine, de plus en plus égarée, — dans cette maison, où l’on m’a si longtemps gardée… et quand j’en suis sortie guérie… je me le rappelle bien… j’ai demandé… cet étui… et d’autres choses aussi… auxquelles je tenais… oh ! je tenais tant… et l’on m’a répondu… qu’on ne savait pas ce que je voulais dire…

— Ce coffret… vous appartient… s’écria Bruyère, et un moment un fol espoir vint luire à sa pensée, — si dame Perrine était sa mère… — mais elle se rappela bientôt que, peu de moments auparavant, celle-ci lui avait exprimé le regret de n’avoir jamais eu de fille.

N’osant parler, Bruyère attendait avec une angoisse inexprimable l’éclaircissement de ce mystère.

Mme Perrine avait placé le coffret sur un décombre. Faisant alors jouer, non sans difficulté, à cause de la rouille, un petit crochet presque inaperçu, qui fermait l’étui, elle l’ouvrit et y prit d’abord un vieux hochet en osier, garni de grelots, ainsi qu’en ont quelquefois les petits enfants pauvres.

— Son hochet ! — s’écria Mme Perrine ; — le hochet de mon fils ; je le croyais perdu… Quel bonheur… le voilà, — et après avoir couvert ce jouet de baisers joyeux, elle le replaça dans l’étui ; puis, ce fut le tour d’un petit portefeuille de maroquin, garni d’ornements d’argent noircis par le temps, et parmi lesquels figurait une couronne de comte.

— Le portefeuille… que son père… avait une fois laissé tomber, s’écria Mme Perrine, et qui contenait ces lettres funestes… Et puis, voilà ces deux petits fuseaux de bois sculptés… pour moi, par ce pauvre Claude, le meilleur, le plus malheureux des hommes… Oh ! quel bonheur ! mes trésors chéris, mes reliques sacrées, si longtemps pleurées… je vous retrouve enfin… — et Mme Perrine couvrit ces objets de larmes et de baisers, avec une exaltation fiévreuse et funeste, car à ses sanglots se joignirent bientôt des mouvements convulsifs.

— Mais… ceci… je ne le reconnais pas, je n’avais pas laissé cela… — dit tout à coup Mme Perrine.